Carrefour névralgique où s’entrecroisent routes commerciales, flux humains et ambitions militaires, Uvira constitue dans la géographie politique des Grands Lacs une charnière dont la rupture fait vaciller l’équilibre déjà précaire des États riverains.
La fermeture immédiate de la frontière par Bujumbura, côté Uvira, révèle non seulement la crispation burundaise mais aussi la conscience aiguë d’être soudain projeté au cœur d’un théâtre dont les lignes de front échappent désormais à la seule logique congolaise.
C’est dans ce climat de fébrilité que s’organise, dans une quasi-précipitation, un déplacement d’envergure : un ministre accompagné de plusieurs généraux quitte l’aéroport international de Ndjili pour rejoindre Bujumbura. L’objectif, à peine voilé, est double : concevoir une stratégie de reconquête d’Uvira et solder les lourds arriérés contractés envers l’armée burundaise, rémunérée selon le barème sensible du « soldat déployé ».
L’embarras de Kinshasa, qui traînait tout à la fois les pieds et les dettes, contraste avec l’assurance retrouvée du président Ndayishimiye, bien décidé à capitaliser sur ce momentum stratégique, au risque de jouer une partie dont les retombées pourraient être vertigineuses.
Car dans une économie burundaise exsangue, où la rareté des devises attise toutes les impatiences, le maintien d’un engagement militaire extérieur s’apparente à un pari politique d’une audace dangereuse.
Le pari burundais : entre imprudence politique et menace stratégique
Les avertissements ne proviennent pourtant pas d’un observateur lointain : lors de la conférence de presse du 9 décembre 2025 à Goma, le coordinateur adjoint de l’AFC/M23 Bertrand Bisimwa a déclaré sans ambages que son mouvement ne nourrissait aucune hostilité envers le Burundi, tout en invitant explicitement Bujumbura à se retirer du contentieux « congolo-congolais ».
En d’autres termes, l’AFC/M23 désigne le Burundi non comme un adversaire naturel, mais comme un acteur qui s’exposerait inutilement en persistant dans une alliance désormais perçue comme asymétrique, voire aventureuse.
Si le pouvoir burundais persiste aux côtés de Kinshasa, les conséquences pourraient s’avérer d’une gravité insoupçonnée. Car il ne s’agit plus seulement d’un soutien militaire périphérique, mais d’un engagement susceptible d’entraîner Bujumbura dans une spirale de représailles politiques, diplomatiques et sécuritaires.
Le risque n’est pas tant la défaite militaire que la fragilisation interne d’un régime déjà confronté à la rareté des ressources, à la volatilité des alliances locales et au spectre toujours latent des recompositions internes.
En reposant sa stabilité sur une intervention extérieure dont les enjeux lui échappent en grande partie, le président Ndayishimiye s’expose à transformer un calcul tactique en déflagration stratégique.
L’alliance Kinshasa-Bujumbura, si elle persiste envers et contre les avertissements, pourrait se muer en un piège dont les premières victimes seraient paradoxalement celles qui pensent l’orchestrer.
Ainsi, l’onde de choc provoquée par la chute d’Uvira dépasse les frontières visibles : elle révèle, au cœur des pouvoirs, la fragilité des certitudes et la profondeur des périls qui menacent ceux qui, trop confiants, s’avancent dans la tempête.














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