Uvira aux mains de l’AFC/M23 ou la chute d’un verrou que l’on disait imprenable

Redigé par Tite Gatabazi
Le 10 décembre 2025 à 02:35

Il est des événements dont la portée excède le strict registre militaire pour rejoindre le domaine, plus grave encore, des basculements historiques.

La prise d’Uvira par l’AFC/M23 appartient sans conteste à cette catégorie rare. Longtemps érigée en verrou imprenable, sanctuarisée par les faux stratèges comme un bastion où l’élan rebelle devait immanquablement buter, la ville a pourtant cédé avec une facilité qui confine à l’irrémédiable. Ce qui s’était voulu citadelle s’est mué, sous le regard stupéfait des populations, en simple théâtre d’une débandade orchestrée.

Les troupes burundaises, massivement déployées dans la plaine de la Ruzizi, avaient fait d’Uvira un nœud opérationnel, un pivot censé contenir l’avancée du mouvement. À leurs côtés, FARDC et milices wazalendo, engagées dans une improbable cohabitation, se disputaient le contrôle des quartiers stratégiques au point d’en venir aux armes entre elles.

Le chaos interne, devenu leur seule dynamique, avait sapé jusqu’à l’illusion d’une défense cohérente. Ainsi, avant même l’assaut final, Uvira ne tenait plus que sur les échafaudages bancals d’une alliance instable et de rivalités intestines.

Lorsque l’AFC/M23 a lancé son offensive, la détermination des combattants, alliée à une discipline que ses adversaires n’ont jamais su égaler, a transformé la manœuvre en marche triomphale. Les autorités civiles, les FARDC, les FDLR dissimulées derrière leurs faux-semblants, les miliciens wazalendo et même les contingents burundais ont détalé comme un seul homme, abandonnant armes, positions et promesses de bravoure.

Uvira est tombée non par la seule force du feu, mais par l’effondrement moral de ceux qui la prétendaient indéfendable.

La jonction symbolique est désormais consommée : Uvira rejoint Goma et Bukavu, villes déjà soustraites au contrôle chaotique de Kinshasa, pour former un continuum territorial dont la cohérence stratégique ne saurait être ignorée.

En quelques heures, c’est tout un pan du narratif officiel qui s’est écroulé, celui d’un front consolidé, d’une présence étatique ferme, d’une armée souveraine et d’une coalition régionale supposée invincible.

L’AFC/M23, consciente de la portée de ce moment, ne s’y est pas trompée : la prise d’Uvira n’est pas une fin, mais l’amorce d’une projection inédite, une ouverture vers le Sud, vers l’ancien Katanga où les lignes de fracture politique et économique demeurent béantes.

Rien, désormais, n’autorise à considérer les ambitions de Kinshasa autrement que comme des vœux pieux ; rien ne permet d’ignorer l’ampleur de l’effondrement militaire et politique qui se joue sous nos yeux.

Uvira, que l’on disait inviolable, est tombée comme un fruit mûr, révélant l’étendue d’un système miné par ses contradictions, ses dénis et son imprévoyance structurelle.
Cet épisode, d’une clarté presque clinique, interroge : si un verrou réputé indestructible s’effondre sans résistance, que vaut encore l’édifice tout entier ?

Le Congo, aujourd’hui, se découvre fragile non par fatalité, mais par l’incurie d’un pouvoir qui n’a cessé de mépriser les signaux du réel. Et l’histoire, implacable, enregistre.

Vue aérienne de la ville d'Uvira, au Sud-Kivu en RDC

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité