Intitulé « Les Frères musulmans et l’islamisme politique en France », ce document met en lumière, avec une précision glaçante, l’emprise insidieuse d’une mouvance politico-religieuse qui, sous des dehors de religiosité pacifique, poursuit en réalité une stratégie d’entrisme méthodique et de contournement des institutions républicaines.
L’enquête décrit un maillage dense de plus de 280 associations actives sur le territoire, investissant non seulement le champ cultuel, mais aussi les domaines caritatif, éducatif, professionnel, sportif, financier et numérique, avec pour ambition manifeste de façonner un « écosystème islamique » autonome, structuré, et idéologiquement orienté.
Issue d’un courant fondé en 1928 par Hassan al-Banna en Égypte, et désormais proscrit dans plusieurs États musulmans tels que l’Arabie saoudite, l’Égypte ou encore, plus récemment, la Jordanie, la confrérie des Frères musulmans poursuit, en Europe, une stratégie de présence feutrée mais déterminée.
Sous couvert de piété, elle promeut un islam politique rigoriste, profondément conservateur, dont l’objectif à terme est la refondation des sociétés selon les principes de la charia, en contradiction manifeste avec les fondements de l’ordre républicain, la neutralité confessionnelle de l’État et le principe cardinal de la laïcité.
L’un des aspects les plus préoccupants révélés par ce rapport réside dans l’infiltration progressive de la sphère sociale et éducative. Dès les années 1990, un réseau d’acteurs communautaires s’est structuré autour des mosquées, intégrant cours coraniques, commerces halal, clubs sportifs, services de soutien scolaire, agences matrimoniales, et même plateformes de développement personnel ou d’aide à l’emploi. Ces initiatives ne relèvent pas seulement d’une bienveillance associative, mais traduisent une volonté politique de créer un monde parallèle, une contre-société régie par ses propres normes, échappant aux principes universels de la République.
Ce repli communautaire, souvent justifié par le discours victimaire de la marginalisation, est en réalité nourri par une idéologie de séparation, un refus de l’assimilation, et une quête d’autonomie culturelle à des fins hégémoniques. Le rapport évoque avec gravité l’émergence d’un « islamisme municipal », par lequel certains acteurs communautaires tentent d’influencer les politiques locales, d’obtenir des concessions, voire de peser sur les scrutins, usant du levier démographique pour asseoir une autorité morale d’inspiration religieuse dans des territoires en crise.
L’univers numérique n’échappe pas à cette stratégie d’expansion. La « prédication 2.0 », incarnée par une nouvelle génération d’influenceurs religieux, constitue une porte d’entrée privilégiée vers cette vision du monde. Ces figures charismatiques, souvent suivies par des centaines de milliers de jeunes francophones, diffusent des discours islamistes sous une apparence modernisée, mêlant spiritualité, lifestyle et revendications identitaires.
Le danger est d’autant plus pernicieux que ces influenceurs sont rarement frontalement subversifs : leur force réside précisément dans la subtilité de l’endoctrinement, dans la diffusion d’un discours identitaire qui séduit, rassure, et isole peu à peu les jeunes esprits de la culture commune.
L’objectif final, tel qu’exprimé par les théoriciens de cette mouvance à l’instar de Yusuf al-Qaradawi, figure emblématique de la confrérie , n’est pas d’imposer frontalement la charia, mais de bâtir, patiemment, un entre-soi religieux autosuffisant : « créer leur petite société au sein d’une société plus large afin d’éviter de se dissoudre comme du sel dans l’eau ».
Derrière cette image poétique se dissimule un projet politique clair : celui de résister à l’intégration républicaine, d’imposer une logique communautaire, et de façonner une subjectivité musulmane détachée du corps civique national.
Le constat est alarmant. L’inertie prolongée des pouvoirs publics face à cette dynamique d’entrisme idéologique aura permis à ces réseaux de se renforcer, de se professionnaliser, et d’essaimer au cœur même des institutions éducatives, associatives et parfois politiques. Ce n’est qu’aujourd’hui, tardivement, que la République semble ouvrir les yeux sur cette menace silencieuse, qui ne se manifeste pas par la violence, mais par la sape continue des fondements du vivre-ensemble et de l’unité nationale.
Le péril que représentent les Frères musulmans ne saurait être appréhendé à l’aune seule de leur rhétorique théologico-politique, ni réduit à la simple prolifération d’un discours religieux à visée normative. Ce serait là méconnaître la nature véritable de leur entreprise, qui s’apparente davantage à une stratégie d’infiltration douce, méthodique, et savamment dissimulée sous les atours de la piété.
Leur dessein ne procède point de l’éclat du fanatisme spectaculaire, mais d’un patient travail de sape du contrat social républicain, par le biais d’un repli organisé, d’une contre-société tissée dans les marges de la nation, et d’un endoctrinement progressif des consciences au moyen d’outils modernes, souples et difficilement saisissables par l’action publique.
Ce que redoutent à juste titre les auteurs du rapport, c’est cette capacité d’entrisme civil, par laquelle une idéologie fondamentalement étrangère à la logique laïque de l’État parvient à se loger au cœur du tissu associatif, éducatif, économique et, in fine, politique. En prétendant répondre aux carences de l’État dans certains territoires, cette mouvance sectaire se substitue insidieusement aux structures républicaines, érigeant des normes parallèles, instaurant une autorité morale rivale, et formant des générations entières à l’obéissance à une loi autre que celle de la République. Ce n’est point une religion que la République doit ici contenir, mais une doctrine politique dissimulée sous le vernis du sacré, et dont l’ambition ultime est la redéfinition même du vivre-ensemble selon les dogmes d’un ordre théocratique incompatible avec la liberté, l’égalité et l’universalité qui fondent notre pacte démocratique.
Face à une telle entreprise de conquête par l’idéologie, la République ne saurait se contenter de rapports et de déclarations d’intention. Elle doit réaffirmer avec vigueur son socle laïque, sa volonté d’unité, et sa capacité à faire prévaloir la loi commune sur toutes les tentatives de fragmentation identitaire.

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