Après près de dix-huit ans à la tête du pays, son retrait volontaire des projecteurs et son silence médiatique ont agi comme un catalyseur, élevant son aura et attisant les interrogations concernant ses intentions futures.
Toutefois, son retour discret et calculé dans l’arène politique n’est pas sans susciter des préoccupations fondamentales quant à l’avenir politique de la RDC, notamment en cette année charnière du changement ou non de la constitution.
Le silence stratégique de Joseph Kabila : une position de respect et d’influence
Joseph Kabila quitte la présidence de la RDC en 2019 d’une manière empreinte d’une grande sérénité, contrastant avec les tumultes qui marquent habituellement la fin des mandats dans de nombreuses nations africaines.
Pour la première fois dans l’histoire de la RDC, la passation du pouvoir s’opère de manière civilisée, un acte symbolique majeur qui marque une étape essentielle dans l’évolution démocratique de la République Démocratique du Congo.
L’ex-président quitte ainsi la scène politique « tête haute », dans un climat de calme apparent, loin des cris et des bruits des conflits politiques. Dès lors, Kabila se retire des feux de la rampe, adoptant une posture silencieuse mais non moins stratégique, qui force le respect.
Ce silence, loin d’être le fruit d’une incapacité à répondre aux enjeux politiques ou aux provocations maladroites de son successeur, s’inscrit dans une vision claire : celle de maintenir une autorité implicite sans recourir à l’exhibition. Loin d’être une fuite ou une abdication, il s’agit d’une tactique politique affûtée.
En se concentrant sur des projets personnels, notamment dans le domaine académique, Kabila a opté pour une démarche de renforcement intellectuel en obtenant successivement son master et son doctorat en sciences politiques.
Une telle démarche témoigne de sa volonté de rester une figure intellectuelle et politique majeure, cultivant une image de sérieux et de compétence, tout en renforçant son capital symbolique.
Ce retour réfléchi à la scène, dans l’ombre, lui permet de conserver son aura d’influence et de respecter les équilibres de pouvoir sans s’exposer aux violences d’une confrontation directe.
Le retour politique : une stratégie face à l’instabilité politique
Cependant, en dépit de son silence, la politique congolaise poursuit son évolution tumultueuse sous la présidence de Félix Tshisekedi.
L’arrivée du successeur de Kabila a été marquée par une série de turbulences politiques, notamment des maladresses, de l’amateurisme, de l’institutionnalisation du tribalisme, des scandales quotidiens de détournements, et une proposition controversée visant à réviser la constitution afin d’étendre les pouvoirs présidentiels.
La volonté de Tshisekedi de modifier la constitution, afin de prolonger son mandat et renforcer ses prérogatives, constitue une ligne rouge franchie pour l’ancien président Joseph Kabila, qui voit dans ces changements une menace pour l’équilibre politique fragile de la RDC.
Et il n’est pas le seul. Face à ces développements, Joseph Kabila choisit de revenir discrètement dans l’arène politique, suivant un plan stratégique bien élaboré. Il initie des rencontres avec des figures de l’opposition, à l’instar de Moïse Katumbi, avec qui il se réunit à Addis- Abeba.
Le communiqué conjoint publié à la suite de cette rencontre est un signe clair d’une alliance politique en gestation, et d’une volonté manifeste de Kabila de constituer un front uni contre les dérives politiques qu’il perçoit.
Ces deux grandes figures de la politique congolaise, en froid pendant des années, s’étaient réconciliées sous la houlette de Monseigneur Fulgence Muteba à l’issue du forum sur l’unité et la réconciliation des Katangais, où ils avaient assisté à la messe côte à côte le 22 mai 2022 à Lubumbashi.
En multipliant ces rencontres avec d’autres leaders de l’opposition, tel que Claudel Lubaya, Kabila cherche à redéfinir les contours de la politique congolaise, tout en réaffirmant sa place centrale, et potentiellement dominante, dans le paysage politique du pays.
Les tentatives de rapprochement et leur échec : la rupture consommée
Les initiatives de réconciliation entreprises par Félix Tshisekedi, avec l’appui de médiateurs africains, soulignent la profondeur de la fracture entre lui et son prédécesseur.
En effet, deux tentatives notables ont échoué de manière retentissante : la première, menée par le président togolais Faure Gnassingbé, et la deuxième, orchestrée par l’ancien président tanzanien Jakaya Kikwete, qui s’est personnellement déplacé à Lubumbashi pour tenter de convaincre Kabila de rencontrer son successeur.
Ces efforts, bien qu’émanant de figures diplomatiques de haut rang, ont été vains, révélant ainsi l’impossibilité de rétablir un dialogue substantiel entre les deux hommes.
La fracture politique est désormais irréversible, et la perspective d’une réconciliation entre les deux camps s’éloigne à mesure que la polarisation s’intensifie.
Kabila, loin de céder à la pression ou de se laisser emporter par ces démarches diplomatiques infructueuses, semble plus déterminé que jamais à prendre le rôle de leader de l’opposition. Il construit patiemment son retour en adoptant une stratégie sans hâte mais ô combien percutante.
Pendant toute la période marquée par les persécutions visant les proches de Joseph Kabila, ces derniers n’ont cessé de marteler, à qui voulait bien les entendre, que leur mentor incarnait l’essence même de l’alternance pacifique, un principe fondateur qui demeure incontestable.
Dans une conjoncture où la violence politique et les répressions se sont abattues sur ses partisans, ces voix n’ont jamais failli à rappeler que Kabila, loin d’être un simple homme de pouvoir, fut avant tout l’artisan d’une transition démocratique inédite dans l’histoire de la République Démocratique du Congo.
À travers ce rappel incessant, ils ont cherché à réaffirmer son rôle historique et sa contribution indélébile à une passation de pouvoir pacifique, dans un contexte où la stabilité politique semblait encore une chimère.
Ainsi, même dans l’adversité et sous la pression des répressions, ses alliés ont persisté à célébrer cette page inédite de l’histoire congolaise, témoignant du respect indéfectible qu’ils nourrissent à l’égard de l’héritage laissé par leur leader.
Les conséquences de ce retour : un possible bouleversement politique en 2025
L’avènement du retour politique de Joseph Kabila pourrait avoir des implications profondes et durables sur l’évolution politique de la RDC, notamment en 2025. Bien que son retour ne soit pas nécessairement synonyme d’un retour direct au pouvoir, il semble jouer un rôle clé dans l’orientation future de la politique congolaise.
La situation actuelle du pays, marquée par des défis institutionnels, des tensions politiques et sécuritaires et une société civile en quête de nouvelles dynamiques, pourrait offrir à Kabila l’opportunité de se positionner comme le leader d’une opposition forte et cohérente, capable de bousculer les équilibres en place.
Le poids de son expérience à la tête de l’État, sa connaissance aiguisée des arcanes du pouvoir et ses alliances stratégiques font de lui un acteur incontournable dans le débat politique de la RDC.
En se positionnant comme une alternative crédible, Kabila pourrait peser sur le déroulement des élections de 2025, et potentiellement influer sur les résultats en sa faveur, ou à tout le moins, pour le compte d’une opposition unifiée et vigoureuse.
Toutefois, ce retour n’est pas sans risques. Les tensions entre ses partisans et ceux du pouvoir en place risquent d’intensifier la polarisation politique, ravivant ainsi des divisions qui pourraient conduire à des scènes de violence et à une instabilité croissante.
Joseph Kabila, loin d’avoir quitté la scène politique de la RDC, orchestre un retour méthodique, basé sur un silence stratégique et un renforcement personnel.
Ce silence, loin d’être une marque d’impuissance, constitue une tactique affûtée pour conserver son influence tout en préservant son image. Son retour, bien que progressif, pourrait avoir un impact significatif sur les équilibres politiques de la RDC, et particulièrement en 2025, à l’heure des élections.
En jouant le rôle d’opposant central, Kabila semble prêt à redéfinir les contours de la politique congolaise, mais son retour n’en demeurera pas moins risqué, pouvant raviver les fractures et les turbulences politiques qui ont longtemps marqué l’histoire du pays.
À cet égard, l’exemple de certains leaders européens comme Valéry Giscard d’Estaing, ancien président français, qui tenta un retour en politique à la fin de sa carrière après son retrait initial, illustre à quel point une démarche stratégique de retour peut s’avérer cruciale, mais aussi semée d’embûches.
Dans ce contexte, l’expérience et la détermination de Joseph Kabila pourraient en faire l’un des acteurs politiques les plus influents et stratégiques de la RDC dans les années à venir.
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