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Kinshasa et Goma ou deux mondes que tout oppose

Redigé par Tite Gatabazi
Le 6 novembre 2025 à 08:48

Deux villes, deux visages, deux philosophies de la gouvernance congolaise : d’un côté, Kinshasa, capitale politique engourdie dans sa propre décadence ; de l’autre, Goma et dans son sillage Bukavu, capitales morales de l’Est, où renaît, au cœur de l’adversité, une espérance faite d’ordre, de propreté et de dignité retrouvée.

Ces cités incarnent, mieux que tout discours, la fracture entre un pouvoir central dévoyé et des autorités locales qui réapprennent à gouverner selon le principe du bien commun.

Kinshasa, la capitale déchue

Autrefois perle noire du continent, Kinshasa était le symbole de la modernité africaine. Ses avenues animées, ses immeubles hardis, sa vitalité culturelle faisaient d’elle une métropole admirée.

Aujourd’hui, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, une capitale à genoux, submergée par la saleté, la désorganisation et l’abandon. Les années d’incurie et de gabegie ont transformé la ville-lumière d’Afrique centrale en une mégalopole dantesque, où la misère côtoie l’indifférence et où la corruption tient lieu de gouvernance.

Kinshasa n’est pas victime de la fatalité, mais d’une faillite morale et administrative. Ses dirigeants n’administrent plus : ils règnent sans gouverner. L’absence de planification urbaine, la dégradation continue des infrastructures et la privatisation éhontée des services publics ont fait de cette capitale un territoire livré au chaos.

L’Office des Voiries et Drainage (OVD), jadis institution technique de référence, symbolise aujourd’hui la décrépitude de l’État : budgets engloutis, projets inachevés, promesses sans lendemain.

Le spectacle est accablant : le boulevard Triomphal, jadis vitrine de la République, se transforme en canal d’eaux infectes à chaque pluie. Les quartiers du pouvoir, Limete, Gombe, Ma Campagne se retrouvent eux-mêmes sous les eaux, tandis que les communes populaires sombrent dans une insalubrité qui confine à la tragédie.

De Barumbu à Ngaba, de Mont-Ngafula à Kasa-Vubu, les routes s’effritent, les caniveaux se bouchent, les ordures s’entassent. Kinshasa, jadis appelée Poto Mwindo, la « ville qui brillait dans la nuit », n’est plus qu’une capitale de la désolation. Là où devait s’exprimer la grandeur d’un État, s’étale désormais la faillite d’une gouvernance sans âme.

Goma et Bukavu, capitales du renouveau

A deux mille kilomètres de cette déréliction s’élève un tout autre visage de la RDC : celui de Goma, et dans son prolongement de Bukavu, villes de l’Est longtemps meurtries par la guerre, mais où s’invente, pierre après pierre, une autre idée de la République.

Sous la conduite des nouvelles autorités locales issues de la coordination de l’AFC/M23, ces cités sont devenues des laboratoires du renouveau, des vitrines d’un État qui se reconstruit sur la base de la rigueur, de la salubrité et de la discipline collective.

Goma, jadis symbole de la peur et du chaos, offre désormais l’image d’une cité apaisée, ordonnée, propre. Les routes, construites avec le basalte local, rappellent la solidité et la précision des voies romaines. Les marchés sont organisés, les espaces publics entretenus, les services municipaux fonctionnels. Chaque samedi, les habitants s’adonnent au Salongo, ces travaux communautaires qui rappellent à chacun que l’hygiène, la propreté et la dignité ne se délèguent pas : elles se cultivent.

Bukavu, sœur jumelle de Goma sur les rives du lac Kivu, suit la même voie. Les efforts de restauration urbaine, l’aménagement des voiries et la réhabilitation des édifices publics traduisent une volonté politique rare en République démocratique du Congo : celle de faire primer le service sur la rente, la responsabilité sur la démagogie.

Ces villes démontrent que là où la gouvernance s’adosse à la discipline, la communauté renaît. Là où les dirigeants incarnent l’exemple, le citoyen retrouve la fierté de sa cité.

Deux mondes, un pays : le procès d’un pouvoir

Le contraste est saisissant, presque cruel. Kinshasa s’enfonce dans la fange, Goma et Bukavu s’élèvent dans la lumière. L’une incarne la Bête ; l’arrogance bureaucratique, la corruption et la désorganisation érigées en mode de gouvernance ; les autres incarnent la Belle, l’ordre, la propreté, la conscience civique et la foi dans le relèvement national.

Ce contraste n’est pas seulement esthétique : il est politique, moral, existentiel. Il dit tout d’un pays dédoublé, où la centralité du pouvoir ne produit plus ni autorité ni exemplarité, tandis que les périphéries, longtemps méprisées, deviennent les foyers d’un renouveau politique et social.

Kinshasa gouverne sans inspirer ; Goma administre en élevant. L’une se vautre dans l’ostentation, l’autre se redresse dans l’effort.

Ainsi s’écrit, au cœur du Congo contemporain, une parabole de la Bête et de la Belle, non plus celle des contes, mais celle de la réalité nationale. La première dévore tout ce qu’elle touche : institutions, morale, espoir. La seconde, patiemment, reconstruit, assainit, réconcilie.

Et dans cette opposition, c’est peut-être le destin du pays qui se joue : savoir si le futur du Congo émergera de la corruption de Kinshasa, ou de la renaissance silencieuse de Goma et de Bukavu.

Car au-delà des métaphores, une vérité s’impose : la beauté d’une nation ne réside pas dans le faste de ses palais, mais dans la dignité de ses villes et dans la droiture de ses dirigeants.

Alors que Kinshasa sombre dans la décadence, Goma et Bukavu, eux, incarnent l’ordre, la propreté et la dignité retrouvée

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