Urgent

L’AFC/M23 à l’epreuve de l’afflux des transfuges

Redigé par Tite Gatabazi
Le 10 avril 2025 à 02:04

Le fracas des ambitions déçues vient de trouver un nouvel écho dans les replis ombrageux de l’Est congolais. L’ancien ministre d’État, Mbussa Nyamwissi, éphémère par la fonction mais non par l’orgueil, naguère installé dans les ors feutrés de l’USN de Félix Tshisekedi, s’est vu précipité hors du banquet républicain.

Amer, presque transfiguré par la rancœur, il entame désormais une pérégrination hasardeuse vers Goma, point névralgique sous l’emprise stratégique de l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23), conduite par Corneille Nangaa et Bertrand Bisimwa.

Ce revirement, à la fois spectaculaire et symptomatique, soulève une inquiétude majeure : l’AFC/M23, déjà lourdement chargée d’un passif politico-militaire, peut-elle survivre à une telle inflation de ralliements motivés moins par l’adhésion idéologique que par l’appât d’un repositionnement ?

L’exil de ces figures dites emblématiques dont certaines ont troqué les convictions pour des convenances marque peut-être un tournant dans la nature même de cette insurrection. Loin d’une croisade pour la justice ou d’un idéal, on assiste à une foire aux frustrations, où les anciens déchus de Kinshasa se muent en croisés opportunistes, drapés d’une légitimité de circonstance.

La rébellion de l’AFC/M23 entre alors dans une phase critique de sa mutation : de mouvement contestataire, elle risque de devenir un réceptacle de ressentiments. L’accumulation de transfuges, dénués d’une vision partagée, pourrait précipiter la désintégration interne, quand bien même elle simule une montée en puissance.

Chaque nouvel arrivant, loin de n’être qu’un simple renfort, introduit dans l’architecture fragile de l’insurrection une variable incertaine, souvent dissonante. Portant en lui les stigmates d’ambitions contrariées et lesté d’un agenda aussi personnel que dissimulé, il greffe à la dynamique collective une logique de calcul, où l’intérêt particulier supplante l’idéal commun.

Ces ralliements tardifs, dictés par l’opportunisme plus que par la conviction, inoculent à la rébellion les germes d’une désagrégation sourde. Ainsi, ce qui devait être un élan fédérateur risque de s’altérer en un agrégat instable d’egos frustrés, chacun tirant la couverture stratégique à lui, au mépris de la cohérence doctrinale.

A mesure que s’accumulent ces figures aux fidélités volatiles, l’AFC/M23 s’expose non seulement à un éclatement de sa ligne de conduite, mais à une implosion morale, insidieuse et inéluctable, minant de l’intérieur ce qui reste de son projet politique.

À l’heure où Goma devient une sorte de nouvelle Mecque pour les recalés du régime, l’on doit s’interroger : la quête de légitimité de l’AFC/M23 peut-elle se construire sur les décombres d’engagements brisés et sur les ruines d’une amertume mal digérée ?

Ou assiste-t-on, silencieux et impuissants, à l’agonie morale d’un mouvement qui, faute d’un socle idéologique solide, risque de s’effondrer sous le poids de ses contradictions internes ? La situation, en vérité, révèle moins la force d’un mouvement que la faiblesse d’un État.

Dans cet État aux institutions vacillantes, où le mérite s’efface devant la vénalité, les charges publiques ne se conquièrent plus par l’éclat d’une vision ni par la rigueur d’un engagement, mais se négocient dans les arrière-cours opaques du pouvoir, au gré des fidélités provisoires et des alliances de circonstance.

Le fauteuil ministériel devient ainsi une rente, un trophée personnel à rentabiliser, plutôt qu’une tribune au service du bien commun. Et lorsqu’un acteur se voit abruptement arraché à cette table des privilèges, ce n’est point la conscience d’une insuffisance ou le remords d’un échec qui l’habite, mais la vive sensation d’avoir été trahi, spolié d’un dû, presque violé dans son droit acquis.

Dans cette perversion du sens de l’État, la disgrâce ne se vit plus comme une remise en question, mais comme une insulte intolérable un casus belli justifiant toutes les transgressions, y compris l’allégeance aux ennemis d’hier, pour peu qu’elle promette vengeance et repositionnement.

Il y a là, en filigrane, comme une exhortation silencieuse à la vigilance, un appel impérieux à préserver le socle doctrinal du mouvement, à le raffermir avec ceux dont l’engagement s’enracine dans une foi profonde en la justesse de la cause, et non dans les fluctuations opportunistes de la conjoncture.

Face à l’irruption soudaine de ces militants de la vingt-cinquième heure, figures caméléoniques dont l’adhésion tardive trahit moins une conversion sincère qu’un instinct de survie politique, il devient urgent de discerner l’authenticité de l’allégeance.

Car le véritable péril ne réside pas uniquement dans l’adversité déclarée, mais dans la dilution insidieuse des idéaux par ceux qui, sous couvert de fraternité, infiltrent le mouvement avec des desseins étrangers à sa raison d’être.

Il faut donc, sans faiblir, distinguer les bâtisseurs des usurpateurs et veiller à ce que la lutte ne soit pas dénaturée par les ambitions erratiques de ceux qui n’y voient qu’un tremplin vers leurs intérêts égoïstes.

L’ancien ministre d’État, Mbussa Nyamwissi, a été précipité hors du banquet républicain, après avoir brièvement occupé une fonction au sein de l’USN de Félix Tshisekedi

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