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L’ONU déploie une commission d’enquête sur les crimes du Kivu

Redigé par Tite Gatabazi
Le 29 octobre 2025 à 01:18

Le Président du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, l’Ambassadeur suisse Jürg Lauber, a annoncé ce lundi27 octobre 2025 la nomination des trois membres de la Commission d’enquête indépendante sur la situation des droits de l’homme dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).

Cette décision marque une étape cruciale dans la réponse internationale aux violations graves et répétées commises dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, théâtre d’une recrudescence des violences depuis janvier 2025.

Une commission pour documenter l’indicible

La création de cette Commission découle de la résolution S-37/1, adoptée le 7 février 2025 lors d’une session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme. Le mandat conféré aux trois experts est ambitieux : établir les faits, les circonstances et les causes fondamentales des violations présumées des droits humains et du droit international humanitaire, y compris celles impliquant des violences sexuelles et sexistes, des attaques contre les déplacés internes, les réfugiés et les civils dans les zones de conflit.

L’objectif affiché est double : documenter la réalité des crimes commis et identifier les responsables individuels et institutionnels, afin d’assurer que la justice internationale puisse être saisie. La Commission est également invitée à déterminer si ces actes pourraient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, au regard du droit international.

Trois experts d’envergure internationale

La présidence de la Commission a été confiée à Arnauld Akodjenou, diplomate béninois de carrière, Conseiller spécial pour l’Afrique à la Fondation Kofi Annan. Ancien haut responsable du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), M. Akodjenou a dirigé plusieurs missions onusiennes en Afrique de l’Ouest et au Sahel, notamment en Côte d’Ivoire et au Mali, où il a exercé les fonctions de Représentant spécial adjoint du Secrétaire général.

Fort de plus de vingt-cinq années d’expérience dans la gestion des crises et la protection des populations déplacées, il incarne une expertise reconnue sur les dynamiques de conflits et les processus de réconciliation post-conflit.

À ses côtés, Maxine Marcus, juriste germano-américaine, cofondatrice de Partners in Justice International, apporte une solide expérience du droit pénal international. Ancienne procureure au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et enquêtrice au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, elle s’est distinguée par ses travaux sur les violences sexuelles et les crimes de guerre à caractère sexiste.

Lauréate du prix Women in International Law de l’American Society of International Law en 2018, elle est considérée comme l’une des références mondiales dans la documentation judiciaire des atrocités de masse.

Enfin, Clément Nyaletsossi Voule, juriste togolais et ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, complète le trio. Défenseur aguerri des droits fondamentaux, il a œuvré au sein de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et dirigé des programmes de plaidoyer au Service international pour les droits de l’homme. Son expérience du terrain africain et de la société civile constitue un atout majeur pour une enquête sensible et complexe.

Un mandat exigeant et un calendrier serré

Le Conseil des droits de l’homme, dans sa résolution 60/22 adoptée le 7 octobre 2025, a rappelé que le mandat des membres demeure strictement conforme à celui de la résolution initiale S-37/1.

Le Conseil a exigé que la nomination soit achevée avant la fin de l’année 2025, et que la première mission sur le terrain ait lieu au plus tard en janvier 2026.

La Commission devra ensuite présenter une mise à jour orale sur la situation des droits humains dans le Kivu devant le Conseil des droits de l’homme lors de sa soixante-deuxième session (juin-juillet 2026), avant de soumettre un rapport complet à la soixante-quatrième session (février-avril 2027) et à l’Assemblée générale des Nations Unies la même année.

Des attentes immenses, un contexte explosif

La nomination de cette Commission intervient dans un contexte d’escalade des hostilités dans l’Est du Congo, où les affrontements entre les Forces armées de la RDC (FARDC), des groupes armés locaux et des milices étrangères, notamment les FDLR ont provoqué des dizaines de milliers de déplacés et des violations massives des droits humains.

De nombreux observateurs voient dans cette initiative des Nations Unies un signe fort d’engagement international, mais aussi une mise à l’épreuve de la volonté réelle de Kinshasa et de ses partenaires de coopérer pleinement à la recherche de la vérité.

Pour beaucoup, la mission confiée à Akodjenou, Marcus et Voule sera décisive : démêler les responsabilités, dans un conflit où se mêlent enjeux ethniques, intérêts économiques et rivalités géopolitiques, tout en rendant justice aux victimes d’un drame humain qui perdure depuis près de trois décennies.

Le Président du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a annoncé la nomination des trois membres de la Commission d’enquête indépendante sur la situation des droits de l’homme dans l’Est de la RDC

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