L’ancien sénateur belge Destexhe critique l’approche occidentale de la crise en RDC

Redigé par IGIHE
Le 22 mars 2025 à 01:06

Le Dr Alain Destexhe, médecin belge et ancien sénateur, a sévèrement critiqué la réponse occidentale à la crise dans l’est de la République démocratique du Congo, estimant que les interventions internationales ont échoué à en diagnostiquer la véritable cause.

Dans une interview exclusive accordée au journal IGIHE, le Dr Destexhe, engagé depuis des décennies auprès du Rwanda et de la région des Grands Lacs, notamment en tant qu’ancien Secrétaire général de Médecins Sans Frontières, a qualifié la situation dans l’est de la RDC de lutte pour la survie, et non d’enjeu d’intégrité territoriale.

"Le problème dans les Kivus ne relève ni de l’intégrité territoriale ni de la souveraineté du Congo, mais de la menace qui pèse sur la vie des minorités, en particulier les Tutsi, qui sont les principales cibles de Kinshasa et du régime. Ces populations ont le droit de vivre en paix dans les régions où elles ont toujours vécu avant d’en être chassées", a-t-il affirmé.

Lors de récentes visites à Goma, l’ancien parlementaire a échangé avec les communautés locales ainsi qu’avec les responsables du M23, y compris le chef militaire Sultani Makenga, dans un contexte où le groupe rebelle poursuivait des avancées notables dans l’est de la RDC. Il a constaté que la ville ne correspondait pas à l’image d’une zone de guerre dépeinte par les médias internationaux, mais apparaissait plutôt comme un lieu où un certain ordre avait été rétabli.

"J’ai été surpris par le calme et l’ordre qui régnaient. La vie à Goma semblait normale : les gens circulaient dans les rues, les magasins étaient ouverts — à l’exception des banques, fermées sur ordre des autorités de Kinshasa", a-t-il observé.

Il a contrasté cette situation avec le chaos régnant sous le contrôle des Forces armées de la RDC (FARDC), qu’il accuse d’extorsion et de comportements répréhensibles. Selon lui, de nombreuses personnes de la région estiment que la gouvernance du M23 représente une amélioration par rapport à la négligence persistante de Kinshasa.

Le Dr Destexhe a vivement critiqué la réponse sélective de la communauté internationale face à la crise, dénonçant ce qu’il qualifie de "deux poids, deux mesures" dans la manière dont les nations occidentales abordent le conflit en RDC.

"Lorsqu’il s’agit du Rwanda ou du M23, une position est prise, suivie de sanctions. Mais en ce qui concerne la RDC, on se contente de condamner les discours de haine sans aucune conséquence," a-t-il déclaré, faisant référence aux accusations selon lesquelles les dirigeants congolais propageraient des discours de haine contre certaines communautés, ainsi qu’aux soupçons selon lesquels le Rwanda soutiendrait les rebelles du M23.

Il a également souligné l’influence des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe largement impliqué dans le génocide de 1994 contre les Tutsi, qui a infiltré l’armée congolaise, une présence que Kigali considère comme une menace persistante pour sa sécurité.

"Les FDLR ont infiltré les principales unités de l’armée congolaise, où elles conseillent et propagent leur idéologie — la haine des Tutsi et la mentalité génocidaire."

La MONUSCO, mission onusienne de maintien de la paix en RDC, a également fait l’objet des vives critiques du médecin belge, qu’il a qualifiée d’échec coûteux.

"Ils sont présents depuis 20 ans, à raison d’au moins un milliard de dollars par an, et combien de civils ont-ils protégés ? Très peu, j’imagine. La MONUSCO a un intérêt à demeurer sur place, mais cela ne profite en rien au peuple congolais." a-t-il déclaré.

Alors que les tensions s’intensifient après la prise des villes de Goma et Bukavu, l’ex-parlementaire a averti que la situation pourrait rapidement dégénérer si une solution politique n’était pas trouvée. Selon lui, la montée en puissance du M23 — soutenu par des défections au sein des FARDC — pourrait profondément bouleverser l’équilibre des forces.

"Kinshasa ne pourra pas reconquérir Goma et Bukavu… Le M23 pourrait même être en mesure de pousser jusqu’à Kisangani ou Lubumbashi. Tshisekedi doit impérativement trouver une solution politique, sinon la situation pourrait lui échapper — je ne sais pas comment cela finirait." a-t-il prédit.

Il a également insisté sur la nécessité de garantir la sécurité de tous les habitants du Kivu, indépendamment de leur appartenance ethnique, et de mettre en valeur les vastes ressources agricoles et minières de la région pour en favoriser le développement.

Concernant les relations entre le Rwanda et la Belgique, qui se sont récemment tendues suite aux agissements de Bruxelles qui plaide incessament en faveur de sanctions contre le Rwanda, l’ancien sénateur a souligné que "les sanctions sont injustes et erronées… La question du Kivu relève de la survie de ses habitants, et non de la souveraineté congolaise."

En tant que médecin, il a exhorté les nations occidentales à réévaluer leur approche afin d’éviter un "mauvais diagnostic" d’un conflit qui dure depuis des décennies.

"Je suis médecin — lorsqu’on soigne un patient, il est essentiel de poser un diagnostic précis. Si le diagnostic est erroné, le traitement sera inefficace. La communauté internationale doit d’abord établir un diagnostic juste de la situation dans les Kivus, puis proposer une solution. Actuellement, c’est comme si elle administrait à patient un traitement inadapté."

Le Dr Alain Destexhe a sévèrement critiqué la réponse occidentale à la crise dans l’est de la RDC

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité