Urgent

L’aveuglement programmé en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 20 octobre 2025 à 04:17

Le temps est venu de regarder la vérité en face et de se confronter à l’énigme tragique de la nation : pourquoi la République démocratique du Congo semble-t-elle incapable de tout examen de conscience véritable ?

Il ne s’agit pas de simples spéculations, mais d’un impératif de lucidité : descendre dans les entrailles historiques et politiques du Congo, du Zaïre, puis de la RDC contemporaine, afin d’examiner les renoncements collectifs qui ont scellé le destin de tous.

A chaque tournant décisif de l’histoire, la collectivité a failli. Elle s’est laissée berner par des falsifications de faits, a accepté de désigner le Tutsi comme bouc émissaire, a cautionné des aberrations juridiques de la loi sur la nationalité de 1982 qui a culminée jusqu’à la nationalité douteuse de la Conférence nationale souveraine et a toléré les pogroms qui en ont découlé.

Il est impossible de ne pas relire avec gravité la lettre ouverte des treize parlementaires adressée au président Mobutu, d’examiner le rapport pour le moins aberrant de Vangu, ou d’écouter les propos de Shweka Mutabazi, commissaire de zone à Uvira, ainsi que l’ultimatum émis par le vice-gouverneur Lwabanji Lwasi Ngabo, le 7 octobre 1996, ordonnant aux «  Banyamulenge  » de quitter le Zaïre sous six jours, sous peine de représailles.

Ces décisions, et l’absence de résistance face à de telles injonctions, ont inscrit dans la chair nationale une fracture profonde, un héritage de honte et de vacuité morale qui pèse encore sur le présent.

À cela s’ajoutent les déclarations actuelles du député et ancien ministre Justin Bitakwira, pourtant sous sanctions de l’Union européenne pour récidive d’incitation systématique à la violence contre les Tutsi.

Comprendre ces erreurs et ces dérives, c’est reconnaître que le mal qui entrave la nation ne surgit pas du néant ; il s’enracine dans une succession de compromissions, de lâchetés et de calculs politiques, qui ont perverti l’éthique et la légitimité de l’État.

L’histoire comme passage obligé

La plongée dans cette vérité dérangeante n’est pas facultative : elle constitue le passage obligé pour quiconque aspire à la rédemption et à la reconstruction de la nation.

La RDC contemporaine est le produit tangible de ces compromissions historiques, de ces renoncements répétés qui ont fragilisé son corps politique, érodé sa légitimité et perverti sa justice.

Ignorer ces leçons, c’est condamner le pays à répéter ses erreurs ; les affronter courageusement, c’est ouvrir la voie à un renouveau possible.

Il ne suffit plus de raconter l’histoire de manière superficielle ou de se complaire dans des récits enjolivés. Il faut sonder les structures qui ont rendu l’injustice possible, analyser les logiques ayant permis l’oppression et l’assignation de boucs émissaires, et tirer de cette exploration exigeante la force de rompre avec les cycles mortifères du passé.

Car ce n’est qu’en affrontant avec lucidité l’abîme de nos erreurs, la succession de nos renoncements, l’aveuglement persistant et les multiples compromissions qui ont jalonné notre histoire que peuvent se dessiner les sentiers de la conscience collective.

C’est par cette confrontation exigeante, douloureuse mais nécessaire, que s’éclairent les voies de la réflexion nationale, permettant à la mémoire et au jugement de s’élever au-dessus des contingences immédiates.

Et c’est précisément par cet effort de clairvoyance et de courage intellectuel que s’ouvrent, simultanément, les horizons de la renaissance nationale, offrant à la communauté entière la possibilité de se réapproprier son destin et de fonder un avenir éclairé sur les leçons du passé.


Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité