L’effritement stratégique du Kivu

Redigé par Tite Gatabazi
Le 24 novembre 2025 à 12:39

L’avancée fulgurante de l’AFC/M23, qui se déploie désormais tel un long reflux stratégique aux allures de basculement régional, imprime sur le territoire du Nord-Kivu une dynamique d’étouffement progressif dont Walikale apparaît comme le prochain épicentre.

En s’emparant de Buhimba, dernier verrou structurant la défense périphérique du territoire, les insurgés ont ouvert un corridor lourd de menaces vers Kimua et Ntoto, amorçant ainsi une manœuvre d’encerclement qui fragilise chaque jour davantage les positions loyalistes.

Cet étau, méthodiquement resserré autour de l’axe reliant Walikale à Goma et aux principales artères provinciales, préfigure un basculement d’équilibres dont l’onde de choc pourrait se propager bien au-delà du Kivu, jusqu’aux portes de Kisangani.

Dès lors, la défense de Walikale ne saurait être réduite à une bataille locale : elle constitue le dernier rempart contre une recomposition géopolitique imposée par les armes.

Dans ce contexte, l’hypothèse même d’une riposte décisive relève désormais de la spéculation tant le rapport de force militaire penche, de manière écrasante, en faveur de l’AFC/M23. La supériorité opérationnelle des insurgés, consolidée par une progression continue et une capacité manifeste à disloquer les lignes gouvernementales, ne laisse entrevoir aucune perspective crédible de reconquête : rien, à l’heure actuelle, ne permet de présumer que les forces loyalistes puissent reprendre ne fût-ce qu’une seule localité perdue.

Dès lors, la dynamique d’effondrement se poursuit inexorablement, accentuant une hémorragie territoriale que l’État, réduit à une posture défensive fragmentée et impuissante, paraît incapable d’enrayer.

La progression méthodique de la rébellion AFC/M23 dans les confins septentrionaux du Kivu compose, jour après jour, la cartographie mouvante d’un territoire qui se délite sous l’effet conjugué de l’insécurité chronique et de la défaillance opérationnelle de l’appareil étatique.

Après s’être emparés de Mahanga et de Kibanda, dans le secteur d’Osso Banyungu, les insurgés ont, le 23 novembre 2025, investi l’agglomération stratégique de Buhimba, dernier verrou du territoire de Walikale.

Cette prise, arrachée à la faveur d’affrontements nourris contre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) appuyées par les milices wazalendo et les FDLR, consacre une nouvelle phase d’expansion territoriale dont les implications excèdent largement les enjeux locaux.

Selon plusieurs sources concordantes recueillies dans la région, les unités loyalistes, mises en déroute, ont été contraintes de se replier vers Kailenge et Luhando, abandonnant leurs positions et laissant Buhimba à la merci d’une offensive rebelle qui s’est immédiatement traduite par l’incendie systématique des camps des forces régulières comme des groupes alliés.

Par cet acte incendiaire, l’AFC/M23 semble avoir voulu sceller symboliquement et matériellement la fin de la présence étatique dans cette portion cruciale du Walikale profond.

La chute de Buhimba ouvre désormais aux insurgés un corridor d’accès direct vers Kimua et Ntoto, deux agglomérations demeurées jusqu’ici sous contrôle gouvernemental et considérées comme les ultimes bastions organisant la défense avancée du territoire.

L’axe Kimua–Ntoto, en effet, commande la jonction avec la route provinciale Walikale–Goma, débouchant par Ngora à quelques kilomètres seulement de Walikale-centre, tout en offrant une projection aisée vers Karete et Musenge le long de la RN3 via Mera, près de Ntoto.

Par ce dispositif, les rebelles tissent progressivement un étau logistique et militaire susceptible d’isoler Walikale-centre et d’en précipiter la chute.

La perte de Walikale ouvrirait une brèche stratégique permettant aux rebelles de se projeter, par Lubutu dans la province du Maniema, jusqu’aux abords de Kisangani, ce qui transformerait la crise du Kivu en un foyer de déstabilisation à l’échelle interprovinciale.

Face à cette mécanique d’encerclement méthodiquement orchestrée, l’hypothèse d’une offensive salvatrice apparaît d’autant plus incertaine que le gouvernement congolais manifeste des signes patents d’essoufflement, tant sur le plan militaire que diplomatique, sans oublier une communication devenue vacillante et souvent contradictoire.

A mesure que s’émousse la capacité de l’État à projeter la moindre cohérence stratégique, s’affirme en parallèle, fait inédit et lourd de conséquences, la montée progressive d’une rhétorique de l’AFC/M23 désormais audible, structurée et pour une partie des acteurs régionaux, étrangement crédibilisée.

Il s’agit là d’un basculement majeur : tandis que l’autorité gouvernementale se délite et peine à enrayer la contraction de son emprise territoriale, les insurgés, eux, façonnent un discours politique qui accompagne, légitime et amplifie leur avancée sur le terrain.

De ce contraste saisissant naît une recomposition dangereuse, où l’équilibre de tout l’Est congolais apparaît suspendu à des institutions qui peinent à rompre l’inertie, tandis que la contestation armée s’impose non seulement par les armes, mais désormais aussi par le verbe.

L’AFC/M23 progresse rapidement dans le Nord-Kivu, faisant de Walikale le prochain épicentre de son avancée

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