Les chances d’un dialogue politique en RDC s’amenuisent

Redigé par Tite Gatabazi
Le 24 novembre 2025 à 01:11

Le pouvoir du président Tshisekedi aura, s’il faut lui reconnaître un mérite paradoxal, accompli au moins une prouesse : celle d’éroder jusqu’à l’extrême sa propre crédibilité, tant aux yeux d’une population désabusée que de partenaires extérieurs désormais las de ses oscillations diplomatiques.

Ces tergiversations, faites d’annonces contradictoires, de revirements intempestifs et de calculs à courte vue, constituent aujourd’hui l’un des plus grands obstacles à l’émergence d’un dialogue national vaste, sincère et structurant.

Les médiateurs, qu’ils soient africains ou issus de la diplomatie qatarie, apparaissent d’ailleurs de plus en plus épuisés par cette diplomatie d’hésitations enfantines, ces valses indéchiffrables qui rendent toute initiative de médiation aussi vaine que la contemplation d’un coucher de soleil manqué : l’instant décisif s’est évanoui, et avec lui l’espoir d’un consensus encore possible.

C’est dans ce climat d’incertitude et de fatigue diplomatique qu’une semaine après la signature à Doha de l’accord-cadre censé jeter les bases d’un cessez-le-feu entre Kinshasa et les rebelles de l’AFC/M23, aucune « avancée significative » ne s’est matérialisée sur le terrain.

Au contraire, les combats se sont intensifiés depuis le 15 novembre, comme si la signature de l’accord avait paradoxalement servi de repère à une accélération des hostilités. Dépourvu de méthode, dépourvu d’agenda, dépourvu même de mécanisme de vérification, cet accord ne semble offrir qu’une fiction diplomatique supplémentaire, un vernis apposé sur une réalité qui se dégrade sans relâche.

En l’espace de quelques jours, les insurgés ont enregistré des gains territoriaux substantiels tant au Nord-Kivu qu’au Sud-Kivu. Au Nord, leurs conquêtes de Mahanga, Kazinga, Kasheke, Bibatama, Katoyi redessinent la géographie militaire du Masisi, tandis que de nouveaux affrontements secouent encore les abords de Nyabiondo.

La crise congolaise, toutefois, ne se limite plus à l’Est. À l’Ouest, dans la province du Mai-Ndombe, de nouvelles violences meurtrières ont éclaté ce même week-end, plongeant le village de Nkana dans le deuil après une attaque des milices Mobondo ayant fait au moins dix morts.

Selon la Commission diocésaine Justice et Paix de l’archidiocèse de Kinshasa, les exactions commises depuis juin 2024 ont provoqué le déplacement de plus de 280 000 personnes à travers cinq provinces, engendrant une crise humanitaire et alimentaire majeure, dans une indifférence institutionnelle proche de l’abandon.

Face à cette déliquescence générale, plusieurs voix plaident pour un dialogue national inclusif. Parallèlement, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), de concert avec l’Église du Christ au Congo (ECC), tente de mettre sur pied un cadre de discussions destiné à s’attaquer aux causes profondes des crises congolaises, ces pathologies structurelles qui minent le développement et la paix depuis plusieurs décennies.

Une rumeur insistante laissait entendre que le dialogue proposé par la CENCO–ECC pourrait, contre toute attente, se tenir à Lomé sous l’égide du Togo, désigné facilitateur par l’Union africaine. Cette perspective, cependant, ne présente guère plus qu’une chance de se réaliser un sur mille, selon les observateurs tant elle se heurte aux errements persistants et à l’inconstance manifeste du pouvoir congolais.

Les autorités togolaises et les prélats congolais ont d’ores et déjà démenti toute initiative en ce sens, tandis que la Commission épiscopale nationale du Congo (CENCO) n’hésite plus à pointer ouvertement la responsabilité du gouvernement dans ce blocage systémique. Traduisant l’épuisement et la frustration des facilitateurs, confrontés à un exécutif dont l’infantilisme diplomatique et les tergiversations répétées compromettent irrémédiablement toute possibilité d’instaurer un dialogue national crédible et effectif.

Ainsi, tandis que le pays s’enfonce dans un engrenage de crises multiformes, la perspective d’un dialogue véritable, celui qui eût pu enrayer la dérive, s’éloigne inexorablement, comme un horizon crépusculaire qu’un observateur distrait aurait laissé s’éteindre sans mesurer l’ampleur de ce qu’il perdait.

Le président Tshisekedi a accompli, paradoxalement, une prouesse : éroder sa crédibilité auprès du peuple et des partenaires étrangers

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