La France et le Cameroun vers une mémoire partagée

Redigé par Tite Gatabazi
Le 24 janvier 2025 à 06:03

Le 21 janvier, le Président de la République française a officiellement reçu le rapport d’une commission mixte, composée de chercheurs camerounais et français, sur la question de la colonisation française et de la guerre d’indépendance du Cameroun.

Ce rapport, fruit d’une démarche académique rigoureuse, explore plus spécifiquement « le rôle et l’engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et les forces d’opposition entre 1945 et 1971 ». Sa présentation au chef de l’État français a eu lieu en présence d’une délégation camerounaise, conduite par Samuel Mvondo Ayolo, directeur de cabinet du Président Paul Biya, ainsi que de Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué français chargé de la Francophonie.

Cette restitution s’inscrit dans le cadre d’un engagement pris par la France lors du sommet de Yaoundé en juillet 2022, engagement visant à rendre l’ensemble des archives françaises accessibles aux chercheurs de la commission.

Ce geste, d’apparence administrative, prend en réalité une dimension historique et politique capitale, car il marque une volonté manifeste de la part de la France de reconnaître et d’examiner de manière objective et ouverte son implication dans les événements complexes qui ont jalonné l’histoire du Cameroun, depuis la période coloniale jusqu’à son accession à l’indépendance.

Le rapport a pour objectif de « faire toute la lumière sur les événements liés à la période de l’indépendance camerounaise », une période souvent mal comprise et, dans certains cas, délibérément omise des narratifs historiques traditionnels. La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale, a souvent été vue comme un acteur ayant exercé une influence politique, économique et militaire bien après l’indépendance officielle du Cameroun en 1960. C’est cette réalité, celle de la continuité de la tutelle coloniale sous des formes subtiles mais bien présentes, que cette commission se propose d’analyser avec une perspective scientifique, loin des préjugés idéologiques.

L’accès aux archives françaises représente donc une étape décisive dans ce processus de réconciliation avec l’histoire. Au-delà de la simple restitution de documents, cette démarche incarne une volonté de transparence et de dialogue entre la France et le Cameroun.

Elle permet de lever le voile sur des pans oubliés de l’histoire, notamment sur les stratégies militaires et politiques déployées par la France pour contrer les mouvements indépendantistes qui émergeaient au Cameroun dans les années 1950 et 1960. Les événements de cette époque, souvent qualifiés de répressions brutales, trouvent un éclairage nouveau à travers le prisme de ce rapport. En effet, il s’agit d’examiner la manière dont la France a non seulement soutenu l’administration coloniale en place mais a également pris part à la suppression des résistances internes, qu’elles soient armées ou politiques.

Ainsi, ce rapport représente bien plus qu’un simple retour sur l’histoire. Il constitue une occasion unique de réévaluer les rapports entre la France et ses anciennes colonies, notamment le Cameroun. L’accès à ces archives n’est pas seulement un geste symbolique, mais un moyen concret de favoriser la réconciliation et la construction d’une mémoire partagée.

Il s’agit d’offrir aux historiens, chercheurs et citoyens camerounais un outil pour mieux comprendre cette époque complexe et ses conséquences qui perdurent encore dans les relations entre les deux pays.

En outre, la portée de ce rapport dépasse largement le cadre des relations franco-camerounaises. Il pose la question plus large de la responsabilité des anciennes puissances coloniales dans les conflits post-coloniaux qui ont secoué leurs anciennes colonies.

Le cas du Cameroun, avec ses luttes pour l’indépendance et ses conflits internes, est emblématique de ces réalités historiques souvent effacées ou minimisées dans les récits nationaux. Ce travail de mémoire, désormais accessible au grand public, devient ainsi un outil précieux pour les générations futures, leur permettant de mieux saisir les fondements des tensions contemporaines.

Enfin, cette démarche s’inscrit dans une volonté d’ouverture et de respect mutuel entre les peuples. Si le passé colonial demeure un sujet de tension dans les relations internationales, la capacité à confronter cette histoire avec objectivité et humilité est un pas essentiel vers la réconciliation.

La France, en mettant à disposition ces archives et en permettant une analyse approfondie de son rôle historique, œuvre ainsi pour une meilleure compréhension de ses actions passées et pour la construction d’une relation plus saine avec le Cameroun et, plus largement, avec l’ensemble de ses anciennes colonies.

Ce rapport n’est pas seulement un examen du passé colonial de la France au Cameroun, mais un véritable projet de réévaluation historique. Il ouvre la voie à une reconnaissance plus juste des événements ayant marqué la période de l’indépendance, et offre aux deux nations une opportunité précieuse de construire une relation basée sur la connaissance mutuelle et la vérité historique.

Le Président de la République française a officiellement reçu le rapport d’une commission mixte, composée de chercheurs camerounais et français, sur la question de la colonisation française et de la guerre d’indépendance du Cameroun.

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