Le désordre financier gronde jusque dans les antichambres les plus sensibles de l’État : la Gécamines, jadis pierre angulaire de la souveraineté minière nationale, se trouve livrée à une gouvernance aussi conflictuelle qu’opaque, selon un rapport parlementaire remis le 9 juin dernier au président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe.
Celui ci pointe un mépris des obligations sociales, une multiplication de décisions irrationnelles et, pour l’exercice 2024, l’évaporation de dizaines de millions de dollars. Des syndicats déjà sonnaient l’alarme, dénonçant un directeur général « invariable dans sa propension à entretenir les querelles » et un conseil d’administration rongé par les rivalités intestines.
L’Inspection générale des finances, pour sa part, relève de vieux réflexes de partage clandestin, dix millions de dollars subtilisés au moyen d’une cascade de malversations tandis que le parquet a dû, en janvier, aller jusqu’à émettre des mandats d’arrêt internationaux pour des détournements dépassant officiellement les 315 millions USD.
Point n’est besoin d’explorer longtemps les cercles concentriques de cette déliquescence : l’ex ministre de la Justice, Constant Mutamba, est déjà sous le couperet de la Cour de cassation pour avoir dissimulé, par contrats de gré à gré, quelque 39 millions USD destinés à la construction d’une prison à Kisangani.
Sa convocation récurrente devant les magistrats symbolise la banalisation du parjure dans la haute administration : le détenteur du sceau républicain s’y révèle soudain contrefacteur du bien public, révélant au grand jour la scission entre la légalité proclamée et la vénalité pratiquée.
À ce ballet de dilapidations vient se greffer la confession, presque désinvolte, de l’ancien argentier national Nicolas Kazadi, figure tutélaire de l’UDPS et intime du chef de l’État, affirmant devant les caméras que, lorsque des fonds arrivent, « on se les partage au préalable » avant de songer à un quelconque service à la Nation.
En quelques mots, l’homme dresse le portrait d’un appareil étatique réduit à l’économie du festin : on fait ripaille, puis l’on improvise, reléguant l’intérêt général, cette pierre de touche du contrat social au rang de simple anecdote.
Aussi la Gécamines, depuis Katanga jusqu’aux allées feutrées de la capitale, illustre t elle l’image même d’une République capturée : l’entreprise poursuit, vaille que vaille, son chapelet de partenariats léonins, d’avances fiscales non recouvrées et de royalties résiduelles, pendant que cadres et courtiers rivalisent de stratagèmes pour transformer la manne cuivre cobalt en confort privé.
Ainsi se vérifie la maxime du baron de Montesquieu : là où le pouvoir n’est plus tenu par la vertu, il devient proie de la licence. Et la licence, ici, ne se contente plus d’exploiter la marge, elle dévore le capital.
Que reste t il, dès lors, à l’État congolais ? Une souveraineté taraudée, un trésor public exsangue et une jeunesse désabusée. Rétablir la confiance suppose bien davantage qu’un énième sermon présidentiel ; il exige la mise sous scellés des comptoirs clandestins, l’indépendance absolue du parquet financier, la protection anticipée des lanceurs d’alerte et surtout la restauration d’une éthique de la chose publique qui fasse rimer pouvoir et probité. À défaut, le royaume du cuivre et du cobalt ne sera plus qu’un caravansérail pour prédateurs, tandis que la majorité silencieuse continuera de mendier, non des miettes, mais le droit élémentaire à la dignité.

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