Deux jours plus tard, la République islamique réplique par des salves de missiles et de drones visant Tel Aviv, Haïfa et la basse Galilée, causant de nouvelles victimes civiles et contraignant la défense israélienne à un régime d’alerte quasi permanent.
À Kermanshah, le bombardement d’un hôpital par l’aviation israélienne présenté en Iran comme un « crime de guerre » rehausse encore la charge symbolique du conflit, car il confond l’objectif militaire et la souffrance humanitaire.
Ce choc frontal, loin d’être une explosion spontanée, s’inscrit dans la matrice plus large d’une rivalité stratégique pour l’hégémonie régionale : l’État hébreu entend préserver son monopole nucléaire implicite tandis que Téhéran poursuit, en dépit des sanctions, une capacité de seuil que d’aucuns jugent « intenable ».
En frappant massivement, Israël tente de rétablir la dissuasion et de rappeler que toute progression iranienne vers l’arme ultime rencontrera un veto cinétique ; mais ce geste, perçu par l’adversaire comme existentiel, reconfigure le rapport coûts bénéfices de la retenue et rend presque inéluctable la spirale de représailles.
Ainsi, chaque munition tirée entérine un double échec : celui de la diplomatie coercitive et celui du calibrage précis de la force, puisque la sanction militaire déclenche le mécanisme même qu’elle prétend empêcher.
Sur le théâtre diplomatique, la secousse se propage comme une onde de choc géopolitique. Réunis à Charlevoix, les dirigeants du G7, soudain privés de la présence de Donald Trump parti précipitamment « gérer » la crise, exposent l’embarras d’un Occident écartelé entre soutien indéfectible à la sécurité israélienne et nécessité de circonscrire l’incendie.
Leur communiqué, qui réaffirme que « l’Iran ne devra jamais posséder l’arme nucléaire », résonne comme la réactivation d’une ligne rouge orthodoxe.
Par contraste, la Russie empêtrée dans ses propres horizons de puissance mais soucieuse de préserver son ativisme syrien adopte un ton de condamnation formelle sans menacer d’user de son veto au Conseil de sécurité, laissant l’organe onusien en état de paralysie potentielle.
Par delà le registre strictement diplomatique, la conflagration exerce une pression d’une brutalité inédite sur les marchés mondiaux. Le Brent a franchi la barre symbolique de 130 USD sitôt que se sont propagées les rumeurs de fermetures ponctuelles du détroit d’Ormuz goulot par où s’écoule près d’un tiers du brut maritime et la volatilité latente a instantanément malmené les places financières de Singapour à New York.
Les conjonctions des chocs énergétique, assurantiel et logistique convergent pour rappeler que la sécurisation du Golfe est la charnière silencieuse de la mondialisation : un embargo, fût il partiel, sur les condensats iraniens ferait sursauter les spreads de fret, renchérir les coûts de transbordement et réverbérer la pression inflationniste jusqu’aux économies importatrices les plus vulnérables d’Afrique.
Enfin, la collision militaire met à nu la fragilité de l’architecture de maîtrise des armements. La destruction sélective d’installations nucléaires actives glisse dangereusement sur la ligne de crête qui sépare le sabotage conventionnel du risque de dissémination radiologique ; dès lors, la menace brandie par Téhéran de suspendre sine die l’accès de l’AIEA revêt une gravité quasi ontologique : priver la communauté internationale de la transparence nucléaire reviendrait à désarrimer tout le régime de non prolifération. Dans ce vide, l’appétit latent de plusieurs puissances régionales Riyad, Ankara, Le Caire pour une « option » nationale pourrait se transformer en dynamique de prolifération horizontale, ressuscitant les spectres nucléaires de la décennie 1960, mais transposés dans un Moyen Orient déjà saturé de rivalités confessionnelles et de missiles de théâtre.
En somme, l’actuel brasier ne se résume pas à une énième flambée proche orientale ; il questionne jusqu’au fondement même de l’ordre international tissé depuis 1945, celui qui prétend concilier sécurité collective, régulation marchande et progrès partagé. L’entrelacs des dépendances globales énergétiques, financières, technologiques fait que nul acteur, même géographiquement éloigné, ne peut se retrancher derrière des douves d’indifférence : lorsque les sirènes résonnent à Tel Aviv ou que les bunkers de Natanz s’embrasent, c’est l’édifice planétaire de la cohésion normée qui vacille tout entier.
Seule une initiative diplomatique imaginative, dépouillée des réflexes de blocs et ancrée dans une grammaire de concessions mutuelles, pourra désormais conjurer l’hypothèse d’un embrasement généralisé ou, pour paraphraser Raymond Aron, empêcher que « la guerre probable » ne devienne « la guerre certaine ».

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