Tantôt un coup à gauche, tantôt un coup à droite ; tantôt des gestes d’ouverture, tantôt des fermetures brutales. À l’image d’une danse hésitante, la gouvernance du président Félix Tshisekedi semble s’accommoder d’une logique du zigzag permanent. Ce désordre stratégique ne fait que révéler, au grand jour, la vacuité doctrinale d’un pouvoir dépourvu de colonne vertébrale idéologique, et dont les fondements reposent davantage sur des équilibres fragiles et des impulsions émotionnelles que sur une vision de long terme.
Dernier épisode en date : la rencontre hautement symbolique entre le chef de l’État et les représentants des grandes confessions religieuses,catholique et protestante, réunis dans le cadre du Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble, initié par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Église du Christ au Congo (ECC).
Présentée comme un moment de clarification après des semaines de tensions latentes, cette entrevue a surtout permis au président de jauger les intentions des Églises et de s’assurer de leur neutralité à l’égard du pouvoir en place.
Or, ce geste d’apaisement n’est pas sans relents de méfiance. En qualifiant les prélats de « politiciens en soutanes » par la voix du très zélé Jean-Pierre Bemba, devenu, à son corps défendant, le vuvuzela officiel du régime, le pouvoir n’a fait qu’alimenter le soupçon d’un raidissement autoritaire. Ces attaques, venant d’un exécutif qui se présente comme le garant de la démocratie, sont symptomatiques d’une peur croissante : celle d’une remise en cause de sa légitimité par des voix qui ne se laissent ni acheter ni intimider.
En vérité, cette rencontre avec les Églises ressemble à s’y méprendre à une fuite en avant maquillée en dialogue inclusif. Car, pendant que les prêtres et pasteurs consultent, le gouvernement multiplie les déclarations contradictoires et les provocations politiciennes. Un jour, il est question d’exclure un pan entier de la classe politique, le lendemain d’exiger la condamnation du Rwanda sans volonté apparente d’en tirer des conséquences diplomatiques sérieuses. Parallèlement, les figures de Kabila et Katumbi sont vilipendées, nourrissant davantage la fracture nationale que l’unité nécessaire à la paix.
Ce climat instable, nourri par des discours ambigus et des positionnements volatils, dessine les contours d’un pouvoir désarticulé, traversé par des logiques de clan plus que par un projet républicain cohérent. Les symptômes d’une dislocation plus profonde sont là : exclusion, ethnicisation rampante du discours politique, confusion institutionnelle et mépris affiché envers les forces morales de la nation.
Pourtant, l’initiative de la Cenco et de l’ECC, fruit de trois mois de consultations menées dans les différentes strates de la société congolaise, apparaît comme l’une des dernières tentatives sérieuses pour recréer les conditions d’un vivre-ensemble menacé.
Le rapport remis au président Tshisekedi le 21 juin devrait être rendu public ce mercredi 25 juin, prélude à la mise en place d’une commission mixte chargée de définir les modalités pratiques du forum national annoncé.
Cette commission, formée en partie par les participants à la première rencontre, pourra s’élargir à d’autres personnalités, notamment issues d’autres confessions religieuses, dans une volonté affichée d’inclusivité. Son travail devra débuter sans tarder, avec en ligne de mire la production rapide d’une feuille de route et d’un calendrier structurant le processus.
Deux impératifs doivent guider ce forum : d’une part, l’inclusivité toute voix désireuse de contribuer à la paix et à la refondation nationale doit être entendue. D’autre part, le respect de l’ordre constitutionnel, ligne rouge que nul ne saurait franchir sans compromettre l’équilibre déjà si fragile de l’État.
À défaut d’une réelle volonté politique, cette initiative ecclésiale pourrait n’être qu’un cautère sur une République en pleine hémorragie. Mais si elle parvient à transcender les clivages et à ramener autour de la table les forces vives de la nation, elle pourrait devenir le point de départ d’un nouveau pacte civique. Car dans un pays où l’État s’efface, il n’est pas rare que l’Église devienne le dernier recours du peuple.

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