La politique de Tshisekedi en décalage avec les réalités

Redigé par Tite Gatabazi
Le 28 janvier 2025 à 01:17

La politique de la chaise vide, souvent perçue comme une démonstration de fermeté ou un acte de défiance, incarne en réalité une stratégie diplomatique en décalage flagrant avec les réalités contemporaines des rapports de force internationaux.

Elle traduit une lecture inadéquate des dynamiques géopolitiques et des enjeux stratégiques qui gouvernent les relations interétatiques. Dans un monde où l’influence se mesure à la capacité d’occuper l’espace décisionnel, cette posture équivaut à un renoncement tacite à la défense de ses intérêts vitaux.

En s’abstenant de participer aux instances où se négocient les équilibres de pouvoir, le Président de la RDC s’expose à une marginalisation nuisible et laisse le champ libre aux autres acteurs pour imposer des agendas souvent contraires à ses propres aspirations.

La chaise vide, loin d’être un levier de souveraineté ou un outil de pression, s’apparente davantage à une abdication stratégique, révélant une méconnaissance des impératifs de présence et d’action dans un contexte international en perpétuelle recomposition.

La décision du président Félix Tshisekedi de boycotter le sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), en réaction à la crise sécuritaire persistante au Nord-Kivu, suscite des interrogations profondes sur l’efficacité et les implications d’une telle posture. Si elle peut apparaître comme une démonstration de mécontentement ou une condamnation tacite de l’inaction régionale, la politique de la chaise vide se révèle, dans le cadre des relations internationales, être une approche contre- productive et inopportune. Elle reflète une méconnaissance des dynamiques diplomatiques, des jeux d’influence et des enjeux liés à la construction d’un rapport de force favorable.

L’illusion de la protestation par l’absence

La politique de la chaise vide repose sur l’idée fallacieuse selon laquelle l’absence physique d’un État ou de son représentant dans une enceinte diplomatique équivaudrait à une manifestation de puissance, de dignité ou d’opposition ferme.

Cette posture, bien que symbolique, engendre des effets pervers en privant l’acteur concerné d’une tribune stratégique où s’élaborent les décisions majeures. En choisissant de s’abstenir de participer au sommet de l’EAC, la République démocratique du Congo (RDC) ne se contente pas de signifier son désaccord : elle se retire volontairement d’un processus où les équilibres se négocient et où les absents, par définition, n’ont pas voix au chapitre.

Cette stratégie, si elle vise à dénoncer l’incapacité des structures régionales à répondre aux attentes sécuritaires du pays, contribue paradoxalement à renforcer l’inertie qu’elle déplore. Elle laisse aux autres acteurs le champ libre pour formuler des décisions susceptibles de nuire aux intérêts de la RDC, sans contrepoids ni plaidoyer en faveur de ses revendications légitimes.

La logique implacable des rapports de force

Dans le théâtre des relations internationales, les rapports de force ne se construisent ni par l’isolement ni par l’abstention. Ils s’appuient sur une présence active, capable d’influencer les débats, de mobiliser des alliés et de négocier des compromis.

S’extraire d’un processus diplomatique, fût-ce pour des raisons légitimes, revient à se marginaliser et à abdiquer toute possibilité d’exercer une quelconque influence sur le cours des événements.

Dans le cas précis de la RDC, l’absence de Félix Tshisekedi au sommet de l’EAC peut être interprétée comme un acte d’impuissance ou une fuite devant des responsabilités pourtant cruciales. En se soustrayant à cette plateforme régionale, le chef de l’État congolais renonce à l’opportunité de :

La dimension symbolique et pragmatique de la présence

Dans un contexte où les symboles comptent autant que les actions concrètes, la présence physique d’un chef d’État à un sommet revêt une valeur hautement stratégique. Elle témoigne non seulement de son engagement en faveur du dialogue, mais également de sa détermination à défendre les intérêts de son pays face à des partenaires ou adversaires. Par son absence, la RDC envoie un signal ambigu, susceptible d’être interprété comme un désengagement ou un aveu d’incapacité à peser sur les dynamiques régionales.

L’histoire regorge d’exemples illustrant l’échec de la politique de la chaise vide.

La chaise vide : entre mythe de souveraineté et réalité d’isolement

Le recours à la chaise vide s’inscrit souvent dans une logique de souveraineté exacerbée, où l’acteur concerné cherche à réaffirmer son indépendance et son autonomie face à des structures jugées inopérantes ou intrusives. Toutefois, cette quête de souveraineté peut rapidement se transformer en isolement, surtout dans un monde interdépendant où les enjeux sécuritaires, économiques et politiques dépassent les frontières nationales.

Dans le contexte africain, la RDC, bien qu’elle dispose de ressources stratégiques et d’un poids démographique significatif, reste confrontée à des vulnérabilités structurelles qui nécessitent une approche collaborative et proactive.

La crise au Nord-Kivu, exacerbée par la présence de groupes armés et les interférences étrangères, ne peut trouver de solutions durables sans une mobilisation collective des États de la région. En se retirant des discussions, la RDC compromet ses chances de bâtir un consensus régional autour de ses priorités et de mettre en lumière les responsabilités des autres acteurs.

La politique de la chaise vide, bien qu’elle puisse être perçue comme un acte de défi ou de protestation, constitue une approche diplomatique inadaptée aux réalités des rapports de force contemporains. Dans un monde où la voix des nations se fait entendre autour de la table des négociations, l’absence équivaut à une abdication tacite de responsabilité et d’influence. Pour la RDC, confrontée à des défis sécuritaires majeurs et à des dynamiques régionales complexes, l’heure n’est pas à l’abstention, mais à une diplomatie proactive, audacieuse et résolument tournée vers la défense de ses intérêts. La chaise vide n’est pas une stratégie  : elle est une occasion manquée.

La décision du président Félix Tshisekedi de boycotter le sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), en réaction à la crise sécuritaire persistante au Nord-Kivu, suscite des interrogations profondes sur l’efficacité et les implications d’une telle posture.

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