Le capitaine français impliqué dans une tentative d’assassinat manquée contre Kagame

Redigé par IGIHE
Le 11 avril 2025 à 12:32

Au tournant de l’année 1993, alors que le Rwanda était confronté à une guerre civile croissante et à des négociations de paix simultanées, le choix du président Juvénal Habyarimana fut de ne pas prioriser le retour sécurisé des réfugiés rwandai sen exil, ni de résoudre la question de la persécution des civils tutsis à l’intérieur du pays.

Au lieu de se concentrer sur la réconciliation ou la sécurité des réfugiés, Habyarimana dirigea son attention vers un objectif plus sinistre : l’élimination du commandant de l’Armée patriotique rwandaise (APR), le Général Major Paul Kagame. Pour mettre en œuvre ce plan, il fit appel au capitaine Paul Barril, un ancien gendarme français et un proche collaborateur du président français François Mitterrand.

Déjà bien introduit dans les cercles du pouvoir rwandais à l’époque, Barril se vit confier une opération secrète nommée « Insecticide », un intitulé évocateur de l’intention brutale qui sous-tendait cette mission : affaiblir le Front patriotique rwandais (FPR) et éliminer ses dirigeants, en particulier Paul Kagame.

Barril avait commencé sa collaboration avec le gouvernement rwandais en 1990, peu après le déclenchement de la guerre de libération par le FPR. Il avait facilité des accords d’armement et fourni une formation militaire, un soutien stratégique qui s’avérerait décisif pour préparer les forces de l’État et les milices à la mise en œuvre du génocide de 1994 contre les Tutsi.

Dans une interview accordée en 2004 au cinéaste Raphaël Glucksmann, Barril révéla que l’une de ses premières missions avait été d’« infiltrer et espionner le FPR jusqu’à ses racines ».

D’après un rapport de 2013 de l’ONG française "Survie", Barril avait été engagé au début de l’année 1993 pour mener à bien l’opération, pour laquelle il reçut 130 000 dollars, dont l’objectif principal était d’éliminer Kagame.

Bien que les détails précis du complot d’assassinat demeurent flous, "Survie" rapporte que le Général Major Kagame devait être assassiné à sa base de Mulindi. Ce n’était pas la première tentative du régime : en 1991, une femme avait été envoyée pour empoisonner Paul Kagame, mais avait été interceptée avant de mener à bien sa mission. L’assassinat orchestré par Barril échoua également.

Le plan ayant échoué, Barril réorienta ses efforts pour renforcer les capacités militaires du régime. Il participa activement à l’entraînement d’unités d’élite au camp militaire de Bigogwe, aujourd’hui situé dans le district de Nyabihu. Ces soldats étaient chargés de saboter les opérations du FPR et d’accélérer l’extermination des civils Tutsi.

Barril a grandement contribuer au renforcement des capacités militaires du régime génocidaire

Ses efforts s’ajoutaient à ceux du CRAP (Commando de Reconnaissance et d’Action en Profondeur), une unité formée par les Français en 1992 pour freiner les avancées du FPR. Malgré ce soutien militaire étranger, l’armée rwandaise continuait de perdre du terrain face à l’offensive du FPR.

À mesure que le génocide s’intensifiait à la mi-1994, Barril fut de nouveau sollicité. Le ministre de la Défense de l’époque, Augustin Bizimana, lui adressa une demande urgente pour l’envoi de 1 000 mercenaires français afin de soutenir l’armée rwandaise en difficulté.

Barril reçut 1,2 million de dollars pour cette mission. Les mercenaires furent envoyés sur place, mais échouèrent à empêcher la chute de Kigali ou à stopper l’avancée du FPR.

En septembre 1994, Bizimana, de plus en plus désespéré, écrivit une nouvelle lettre, cette fois pour demander un remboursement des services non rendus.

Dans les années qui suivirent le génocide contre les Tutsi, Barril chercha à se distancer de sa responsabilité. Il diffusa la fausse affirmation que le génocide n’aurait pas eu lieu si le président Habyarimana n’avait pas été assassiné, occultant ainsi sa propre implication directe dans la mise en place des structures ayant facilité cette tragédie.

Le témoignage de Barril a été marqué par des incohérences systématiques, truffé de contradictions et de mensonges. Il affirma, faussement, détenir la boîte noire de l’avion du président Habyarimana, une déclaration qui fut ultérieurement démontrée comme étant totalement infondée.

Bien qu’il n’ait pas réussi à accomplir sa mission la plus célèbre, ses contributions à l’armement et à la formation des forces génocidaires demeurent une composante essentielle de cette histoire tragique. Son héritage n’est pas celui d’ un échec, mais celui d’une complicité.

Le capitaine Paul Barril, ancien gendarme français, fut sollicité pour assassiner le général-major Kagame
Le général-major Paul Kagame, à l'époque commandant de l'APR

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