Lorsque Mitterrand envoya des troupes et des armes en soutien au régime Habyarimana

Redigé par Alain Bertrand Tunezerwe
Le 12 avril 2025 à 10:17

Lorsque le FPR-Inkotanyi lança sa guerre de libération en octobre 1990, François Mitterrand, alors président de la République française, dépêcha rapidement des troupes en soutien à l’armée de Juvénal Habyarimana, leur apportant un appui militaire et des conseillers, tout en expédiant au Rwanda de nombreuses armes.

L’un des contingents de l’armée française envoyés dans ce contexte fut celui de " l’Opération Noroît", déployé au Rwanda du 5 octobre 1990 au 13 décembre 1993. Dans un premier temps, François Mitterrand fit dépêcher 300 soldats, communément appelés les " Noroît ".

À mesure que la France intensifiait son soutien au régime de Juvénal Habyarimana, elle redoublait également d’efforts pour convaincre la communauté internationale que la RPA et le FPR-Inkotanyi étaient des extrémistes déterminés à opprimer la «  majorité hutue  », dans une démarche présentée comme contraire aux principes démocratiques.

Sur le terrain, les Tutsis vivaient dans une insécurité croissante. Le gouvernement rwandais menait une traque systématique contre les personnes soupçonnées de liens avec les Inkotanyi — les «  complices  » — en ciblant en particulier les hommes instruits. Nombre d’entre eux furent arrêtés, d’autres assassinés. Ce climat répressif ravivait une politique de discrimination ethnique profondément enracinée depuis l’époque coloniale belge.

Mukazayire Jeanne d’Arc, une voisine du président Juvénal Habyarimana, a confié au média IGIHE :

«   C’est en 1990 qu’une nouvelle désignation a fait son apparition : " les complices". Des adultes du quartier étaient arrêtés et enfermés dans ce camp militaire. »

« Ils venaient chez les gens et les emmenaient sans que personne ne sache où ils les conduisaient. En 1994, beaucoup de Tutsis, en particulier les hommes, avaient déjà été emportés ; il ne restait que des femmes et des enfants. Ceux qu’ils emmenaient étaient des intellectuels : des fonctionnaires, des enseignants, des agronomes. »

Aux barrières routières, les soldats de l’opération Noroît contrôlaient les cartes d’identité des Rwandais afin d’en vérifier l’ethnie, dans le but d’identifier " les présumés complices" des Inkotanyi. Les noms relevés étaient ensuite transmis à la gendarmerie rwandaise, qui se chargeait de procéder aux arrestations.

L’armée française avait établi un camp militaire dans une vaste forêt située à Kanombe, à l’emplacement actuel du lycée King David Academy. Cette forêt appartenait à Musanabera Joséphine.

Résidant à Kamashashi, dans le secteur de Nyarugunga (district de Kicukiro), non loin de l’ancienne résidence de Juvénal Habyarimana, Musanabera a expliqué que, formés dans une idéologie empreinte de discrimination ethnique, les soldats français distinguaient eux aussi les Tutsis des Hutus ou des Twas.

«  Vers 1992-1993, ils disaient être venus pour assurer la sécurité, mais ce n’était qu’un prétexte. Je me souviens qu’ils venaient chez nous et, comme s’ils avaient reçu une formation en ce sens, ils savaient différencier un Tutsi d’un Hutu. Ils questionnaient même les vieilles femmes en leur demandant : “Tutsi ? Hutu ?”… C’était une sorte de jeu pour eux, auquel ils semblaient prendre plaisir. »

Musanabera a ajouté qu’à cette époque, les forces armées du régime Habyarimana tenaient régulièrement des réunions avec les soldats français, au cours desquelles elles leur présentaient les Tutsis comme des ennemis ayant envahi le pays.

Ce témoignage est corroboré par Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères, dans une interview accordée à L’Express le 17 mars 2024. Il avait également séjourné au Rwanda en tant que représentant de l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF).

Kouchner y déclare :

«  Il existait une vision simpliste de la situation au Rwanda, selon laquelle le FPR de Paul Kagame était composé de “méchants” et que le gouvernement reconnu à Kigali ne faisait que se défendre. C’était la ligne défendue par la France, en particulier dans le cercle rapproché de François Mitterrand à l’Élysée.  »

Le 11 octobre 1990, un haut gradé de l’armée française, alors conseiller de François Mitterrand, recommanda une réduction du contingent militaire français déployé au Rwanda, afin d’éviter que la France ne soit perçue comme complice des exactions commises contre les civils. Sa mise en garde resta cependant lettre morte.

Cette initiative témoigne du fait que les autorités françaises avaient déjà perçu les signes avant-coureurs d’un plan génocidaire en gestation. Pourtant, elles choisirent de les ignorer, poursuivant leur soutien au régime de Habyarimana dans l’objectif de vaincre la RPA-Inkotanyi.

Bernard Kouchner a déclaré que le gouvernement français affirmait que les Inkotanyi étaient de mauvaises personnes voulant envahir le Rwanda
Mukazayire a expliqué que le terme "Ibyitso" est apparu en 1990 et qu'à partir de cette époque, les Tutsis ont commencé à être arrêtés
Musanabera a expliqué que les soldats français appliquaient une discrimination systématique en différenciant les Tutsis, les Hutus et les Twas

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