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Les monologues de Tshisekedi

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 octobre 2025 à 12:57

Il est des dirigeants qui, grisés par l’écho de leur propre voix, confondent la parole publique avec une scène de théâtre à usage personnel.

Félix Tshisekedi appartient manifestement à cette catégorie d’hommes qui croient dialoguer alors qu’ils ne font que soliloquer. À force de se contempler dans le miroir de son propre verbe, il a transformé ce qui devrait être un espace de délibération nationale en une tribune verticale où lui seul parle, interprète et statue. Sous couvert d’« ouverture », il érige en vérité d’État ses impressions personnelles et impose aux autres le rôle d’auditeurs passifs.

Le dialogue véritable suppose la rencontre d’altérités, la confrontation des visions, la mise en commun des diagnostics divergents pour forger un horizon commun.

Il est, dans les grandes heures de l’histoire, une œuvre d’intelligence collective et non un rituel d’allégeance. Or ici, la parole présidentielle ne s’ouvre pas, elle s’impose. Elle n’accueille pas, elle conditionne. Elle ne construit pas, elle prescrit.

Le chef de l’État exige de tout interlocuteur potentiel une profession de foi préalable, une sorte de mot de passe idéologique : reconnaître publiquement, et sur le ton convenu, que le Rwanda est l’agresseur. Ce n’est plus une invitation à bâtir un consensus ; c’est un serment d’entrée, un acte de soumission.

En procédant ainsi, Tshisekedi ne propose pas un dialogue au sens noble et républicain du terme ; il organise un marché de loyautés politiques. L’adhésion à sa narration devient le prix d’accès à la table des discussions. Cette instrumentalisation pervertit le sens même de la concertation nationale : le débat est remplacé par une récitation, l’argumentation par le slogan, et la recherche de solution par la répétition d’une vérité d’État décrétée.

Un chef d’État véritablement soucieux du destin national n’exige pas l’adhésion préalable pour écouter, il écoute pour bâtir l’adhésion. Il ne confisque pas les mots des autres, il leur ouvre un espace d’expression où la raison collective peut s’exercer. Le rôle d’un dirigeant n’est pas de se faire acclamer par ses partenaires politiques, mais de créer les conditions d’une discussion sincère, désarmée des calculs tactiques et des surenchères partisanes.

La manipulation s’insinue précisément lorsqu’on feint de vouloir dialoguer tout en verrouillant méthodiquement les issues. C’est une stratégie connue : on brandit l’étendard du dialogue tout en refusant, dans le même mouvement, les préalables élémentaires de toute discussion authentique, l’égalité de parole, la neutralité de l’arbitre, la liberté de ton et l’absence de chantage idéologique.

Cette duplicité transforme l’espace politique en théâtre d’ombres : on parle de dialogue, mais on pratique le monologue ; on évoque la réconciliation, mais on dresse des murs invisibles entre les acteurs ; on proclame l’unité, mais on exige l’uniformité.

Or, un véritable dialogue politique ne saurait s’épanouir dans un tel carcan. Il exige des conditions minimales et non négociables : une instance d’arbitrage impartiale, une garantie d’inclusivité, un respect réciproque entre les protagonistes, une liberté réelle de parole et une volonté sincère de parvenir à un compromis supérieur aux ego individuels.

Dans le contexte congolais actuel, le seul format susceptible de répondre à ces exigences est celui porté par le duo CENCO-ECC perçu par l’ensemble des forces politiques et sociales comme la dernière digue d’indépendance et de crédibilité institutionnelle.

À l’inverse, l’approche présidentielle actuelle repose sur une logique d’enfermement : Tshisekedi veut un dialogue qui lui ressemble, où tous les acteurs sont sommés de s’agenouiller devant son récit politique. Ce n’est plus une concertation nationale, mais une liturgie présidentielle.

Cette obsession pour la centralité de sa propre parole affaiblit la cohésion nationale, fracture les forces vives et réduit des enjeux géopolitiques majeurs à des accessoires rhétoriques servant sa survie politique.

Lorsque le chef de l’État place ses émotions au-dessus de l’intérêt général, le dialogue perd sa nature régénératrice pour devenir un commerce de loyautés forcées. Le Congo n’a pas besoin d’un maître de cérémonie répétant son monologue devant un parterre captif ; il a besoin d’un arbitre de la Nation, d’un garant d’un espace politique partagé où la vérité collective n’est pas décrétée mais construite, patiemment, dans l’écoute et la confrontation des différences.

En définitive, si Tshisekedi persiste dans cette logique d’injonction unilatérale, il ne récoltera pas la paix civile mais la défiance nationale. Car on ne bâtit pas l’unité sur des slogans, mais sur des structures solides et des paroles libérées.

Le dialogue ne se décrète pas ; il se mérite. Et c’est précisément là que réside l’épreuve d’un homme d’État.

La CENCO : la Conférence Épiscopale Nationale du Congo

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