Ce qui se déroule sous les yeux médusés d’une population abandonnée à elle-même n’est pas une simple fluctuation militaire passagère : c’est un effondrement structurel, une décomposition méthodique de l’appareil sécuritaire censé incarner la République.
À mesure que la puissance de frappe des forces de l’AFC/M23 s’affirme sur le théâtre des opérations, les unités des FARDC, saisies d’une panique incontrôlable, désertent les positions stratégiques jadis tenues avec emphase symbolique : des localités entières le long de la rive congolaise du lac Albert sont ainsi livrées à elles-mêmes.
Des positions clés, allant des zones riveraines proches de Kasenyi jusqu’aux abords de Tchomia, en passant par les axes menant à Mahagi-Port et Bogoro, se vident de toute présence militaire effective. Le drapeau de la République, encore visible sur quelques édifices administratifs délabrés, flotte désormais comme une oriflamme spectrale, sans armée pour le défendre ni institutions pour en honorer la portée.
C’est dans ce contexte de vacuité sécuritaire que l’AFC/M23, forte des combattants disciplinés et équipés selon des standards militaires rigoureux, imprime son tempo sur le terrain. Cette force, structurée et dotée d’une vision stratégique, ne se contente plus de harceler les marges du pouvoir central : elle s’installe, se déploie, sécurise, avance, bâtissant une légitimité de fait là où l’État congolais n’est plus qu’un souvenir lointain.
Face à cette réalité implacable, les slogans martelés depuis Kinshasa résonnent comme des coquilles vides : « intégrité territoriale », « souveraineté nationale », « unité de la République »… Autant de formules incantatoires répétées sur les estrades officielles mais que dément, heure après heure, l’arithmétique des positions perdues et des routes stratégiques abandonnées. La souveraineté, autrefois proclamée comme un dogme, se délite sur le terrain avec la même facilité qu’un voile qu’on arrache au vent.
Dans les villages et les localités désertées par les forces gouvernementales, la population observe avec une lucidité douloureuse cette bascule historique : ce ne sont plus les institutions étatiques qui protègent le territoire, mais une force alternative qui parle au nom de la libération et du salut national.
Ainsi, Bogoro, Mahagi-Port et l’ensemble du littoral albertin deviennent les témoins d’un glissement géopolitique majeur : le pouvoir réel ne s’écrit plus dans les communiqués officiels, il se trace dans la cartographie mouvante des lignes de front.
Le discours officiel, prisonnier de ses liturgies creuses, continue de proclamer ce qui n’est plus. Mais sur le terrain, l’histoire se réécrit dans une langue plus implacable : celle des territoires abandonnés, des routes ouvertes, des garnisons fuyant sous la peur, et d’un peuple contraint d’assister, impuissant mais lucide, au délitement de l’État.
La souveraineté proclamée n’existe plus que dans les mots ; sur les rives du lac Albert, c’est une autre légitimité, armée et organisée, qui prend corps et s’impose dans le silence des batailles perdues d’avance.

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