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Sauvons la Republique

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 octobre 2025 à 01:04

L’espace politique congolais, marqué par une inertie institutionnelle et un pouvoir central devenu prisonnier de ses propres contradictions, vient de connaître un séisme dont la portée dépasse le simple jeu partisan.

En effet, l’ancien chef de l’État Joseph Kabila a refait surface de manière spectaculaire sur la scène nationale à travers la création d’un mouvement politique inédit : le “Mouvement Sauvons la République Démocratique du Congo (SRDC)”, proclamé à l’issue d’un conclave tenu du 14 au 15 octobre à Nairobi. Porté par une coalition composite d’opposants et de figures politiques de l’ombre, ce front d’un nouveau genre place Kabila au centre d’une dynamique qui se veut fondatrice d’une alternative structurée à un régime en pleine décomposition.

Le communiqué final du conclave de Nairobi s’érige en véritable acte de rupture. Les initiateurs du SRDC affirment vouloir fédérer toutes les forces politiques et sociales décidées à “arracher la nation congolaise à une crise multidimensionnelle qui sape jusqu’aux fondements de son existence politique et morale”.

En inscrivant son action dans le registre d’une “lutte pacifique et démocratique”, le mouvement ne se contente pas d’une posture de contestation verbale : il s’impose comme une matrice d’opposition cohérente, se posant en contrepoids à l’hégémonie décriée du pouvoir actuel.

Ce surgissement intervient dans un contexte où l’appareil étatique congolais se délite méthodiquement. Tandis que les institutions sont rongées par la captation prédatrice d’un pouvoir réduit à la défense de ses privilèges, l’État congolais se trouve dans une situation d’impuissance organique : incapable de garantir la sécurité à l’Est, défaillant dans la conduite des affaires publiques, et politiquement englué dans des stratégies de survie qui tiennent lieu de gouvernance.

Le régime du président Félix Tshisekedi, désigné dans la déclaration du SRDC comme un “monopole illégitime du pouvoir”, assiste médusé à l’émergence d’une alternative qu’il ne peut ni ignorer ni étouffer.

Les organisateurs de Nairobi ont salué la médiation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de la Église du Christ au Congo (ECC), qu’ils perçoivent comme des leviers d’un dialogue national authentique, en rupture avec les simulacres de concertation orchestrés depuis Kinshasa. Ils dénoncent en outre avec vigueur la condamnation à mort prononcée le 30 septembre par la Haute Cour militaire de Kinshasa contre Joseph Kabila, une décision qualifiée “d’inique et politiquement instrumentalisée” symptôme manifeste d’un système judiciaire au service d’une logique d’élimination politique plutôt que de justice républicaine.

Ils se sont approprié le discours de Joseph Kabila présenté en douze points de “sortie de crise” articulés autour de quatre axes structurants : la réforme électorale, la restauration de la sécurité à l’Est, la réconciliation nationale et la souveraineté économique.

L’adoption de ces principes comme socle programmatique marque une volonté de structuration idéologique et stratégique, rompant avec la fragmentation habituelle des oppositions congolaises. Le SRDC apparaît dès lors non comme une simple coalition opportuniste, mais comme une architecture politique visant à combler le vide laissé par l’effondrement progressif des structures étatiques.

En filigrane, c’est tout le paradoxe du moment congolais qui s’impose : alors que Kinshasa continue d’invoquer la souveraineté et l’unité nationale à travers des proclamations sans portée réelle, la dynamique du terrain consacre l’érosion de son autorité. Les institutions, transformées en instruments de conservation prédatrice, ne suscitent plus ni adhésion ni crainte ; le pouvoir en place, privé de légitimité organique, observe l’ascension d’un contre-pouvoir politique structuré comme on regarde une marée montante : avec impuissance et inquiétude.

En l’absence d’une réaction substantielle du gouvernement congolais ou de la présidence, le SRDC s’apprête à élargir sa base et à préciser ses modalités d’action. Ce mouvement, né à Nairobi mais destiné à s’enraciner dans les réalités congolaises, apparaît comme le symptôme le plus éloquent d’un tournant historique : celui où l’État officiel, vidé de sa capacité d’incarner la République, se voit concurrencé par une alternative politique qui entend, à terme, redéfinir les contours mêmes de la légitimité nationale.

L’espace politique congolais, marqué par une inertie institutionnelle vient de connaître un séisme dont la portée dépasse le simple jeu partisan

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