Les revers militaires sous examen en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 20 août 2025 à 11:25

Depuis la fin du mois de juillet 2025, l’armée congolaise s’est engagée dans une vaste enquête destinée à faire toute la lumière sur la débâcle enregistrée à Bunagana, qui a précédé les revers autrement plus retentissants que furent la chute de Goma et, peu après, celle de Bukavu.

Cette investigation, conduite notamment par l’Inspectorat général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), met en cause plusieurs officiers supérieurs, figures centrales de la chaîne de commandement, soupçonnés de manquements graves, allant de la négligence stratégique à la complicité tacite avec des intérêts occultes.

L’ambition affichée est triple : analyser les causes profondes de ces défaites successives, établir sans complaisance les responsabilités, puis proposer des mesures correctives susceptibles de restaurer un tant soit peu l’efficacité d’une institution appelée à affronter une guerre persistante et polymorphe dans l’Est du pays.

Cependant, cette quête de vérité s’inscrit dans une longue histoire de fragilités structurelles. Depuis l’époque des Forces armées zaïroises (FAZ) jusqu’à leur transformation en FARDC, l’armée nationale n’a jamais été l’enfant chéri des régimes successifs, ni sous Mobutu, ni sous ses héritiers politiques.

Elle est demeurée le reflet fidèle des travers de l’État congolais : minée par une corruption endémique, gangrenée par le clientélisme, marquée par une cacophonie dans le commandement et compromise par un racket systématique exercé sur les populations civiles qu’elle est censée protéger.
A ces maux s’ajoutent des anti-valeurs érigées en mode de fonctionnement ordinaire : indiscipline, absence de culture républicaine et instrumentalisation politique au détriment de la mission première de défense nationale.

La gravité de la situation s’est illustrée, une fois encore, dans la fuite incontrôlée d’informations confidentielles. Ainsi, la liste des officiers supérieurs visés par l’enquête circule abondamment sur les réseaux sociaux, alors même qu’elle relève, dans tout État digne de ce nom, du strict secret-défense.

Là où, dans d’autres contrées, l’armée demeure « la grande muette », gardienne jalouse de ses secrets opérationnels, en République démocratique du Congo elle se révèle étrangement bavarde, livrant sur la place publique ce qui devrait être réservé au huis clos des états-majors. Cette indiscrétion chronique mine encore davantage la cohésion interne de l’institution, exacerbe la défiance de la population et fragilise la capacité de l’État à projeter l’image d’une armée disciplinée, crédible et professionnelle.

Ainsi, les défaites militaires récentes ne sauraient être comprises comme de simples revers tactiques ; elles sont le symptôme d’un mal bien plus profond, enraciné dans la culture politique et institutionnelle du pays.

L’enquête en cours, pour ambitieuse qu’elle soit, ne produira d’effets durables que si elle s’accompagne d’une réforme structurelle, d’une moralisation de la hiérarchie militaire et d’un engagement sincère du pouvoir politique à faire de l’armée non plus un instrument de prédation ou de clientèle, mais le pilier de la souveraineté nationale.

Faute de quoi, les mêmes causes produiront inévitablement les mêmes effets : défaites humiliantes, populations livrées à l’insécurité et crédibilité internationale de l’État congolais toujours plus entamée.

Depuis fin juillet 2025, l’armée congolaise mène une enquête sur la débâcle de Bunagana, qui a précédé la chute de Goma et de Bukavu

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