A mesure que le discours dominant tend à minimiser la persistance des FDLR et à caricaturer la rébellion de l’AFC/M23 comme une simple émanation de Kigali, African Fact exhume, pièces en main, une vérité dérangeante : loin d’avoir sombré dans l’oubli, le clan Habyarimana demeure un acteur occulte mais agissant de la guerre qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo.
Liaisons dangereuses : la généalogie d’un réseau transnational
D’Orléans à Kinshasa, de Metz à Uvira, un faisceau de connexions, de financements et de complicités discrètes atteste de la persistance d’un maillage idéologique et stratégique articulé autour de figures issues de l’ancien régime rwandais. L’implication manifeste de plusieurs membres de la famille Habyarimana notamment Jean-Luc, Léon et Agathe Kanziga auprès d’acteurs clefs des FDLR, du MRCD-FLN ou encore de certaines figures militaires congolaises, dessine les contours d’une résurgence idéologique que l’exil n’a ni affaiblie, ni désarmée.
Les faits sont têtus : dès 2020, lors de l’audience parisienne relative à l’extradition du tristement célèbre Félicien Kabuga, le fils de l’ancien président, Léon Habyarimana, était vu en conciliabules appuyés avec le secrétaire exécutif des FDLR. Ce rapprochement, loin d’être fortuit, s’inscrit dans une continuité d’accointances historiques avec les mouvances génocidaires, dont Agathe Kanziga, matriarche de l’Akazu, fut l’un des soutiens logistiques majeurs.
Plus troublant encore : les investigations menées en France révèlent que cette dernière disposait non seulement du numéro personnel du colonel Aloys Ntiwiragabo fondateur des FDLR et résident clandestin à Orléans pendant plus d’une décennie – mais qu’elle maintenait également des liens familiaux et militants avec la nébuleuse extrémiste rwandaise de cette même ville.
Kinshasa, carrefour d’un projet révisionniste
Dans le vacarme du champ de bataille, d’autres scènes, feutrées celles-là, se déroulent dans les salons diplomatiques de Kinshasa. Ainsi, en juin 2024, Jean-Luc Habyarimana aurait discrètement séjourné dans la capitale congolaise, multipliant les rencontres avec des officiers des services de sécurité et des proches du pouvoir.
Les enjeux de ces entrevues demeurent obscurs, mais les prises de parole subséquentes de l’intéressé sur les réseaux sociaux, relayant les revendications des FDLR et dénonçant l’« hégémonie tutsie », laissent peu de doutes sur la posture idéologique défendue.
Plus inquiétant encore, des documents confidentiels datés de juillet et septembre 2024 indiquent que Kinshasa aurait envisagé d’accueillir sur son territoire six anciens dignitaires rwandais condamnés pour génocide, dont Protais Zigiranyirazo dit « Monsieur Z » , oncle de Jean-Luc Habyarimana et cerveau de l’Akazu. L’affaire, révélée par une fuite, provoqua un tollé discret et fut aussitôt étouffée, mais son existence suffit à faire vaciller l’argumentaire congolais de lutte contre l’idéologie génocidaire.
Wazalendo : la renaissance d’une complicité militaire
L’enquête révèle aussi un autre canal d’influence du clan Habyarimana : le général Janvier Mayanga wa Gishuba, coordinateur actuel des milices Wazalendo, et vétéran des premiers réseaux hutus militarisés du Nord-Kivu. Figure centrale des PARECO dans les années 2000, allié historique des FDLR et soupçonné par les Nations Unies d’en avoir été l’un des financiers, Mayanga incarne la fusion troublante entre appareil militaire congolais et groupuscules armés aux orientations génocidaires.
Son ascension récente, intronisé en décembre 2023 comme chef du dispositif « Wazalendo » par le président Tshisekedi, consacre un basculement stratégique : l’intégration légale de milices hétéroclites, dont les FDLR et les Nyatura constituent l’épine dorsale, dans la défense nationale congolaise. Ce faisant, le pouvoir de Kinshasa semble s’être lié, par calcul ou par contrainte, aux héritiers directs d’une idéologie que le monde avait cru éradiquée à jamais.
Une guerre prolongée comme théâtre d’un retour impossible
Cette reconversion du chaos en opportunité stratégique pour l’ancien clan présidentiel rwandais dessine un scénario à la fois glaçant et plausible : la guerre comme levier d’un retour idéologique, sinon politique, sur la scène régionale. La RDC, incapable de garantir seul sa souveraineté dans l’Est, a ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrés les spectres de l’Histoire.
Ainsi, tandis que la communauté internationale banalise les accusations portées contre les FDLR et réduit les revendications sécuritaires de l’AFC/M23 à de simples prétextes géopolitiques, elle ignore que le véritable danger n’est pas celui que l’on croit. Ce ne sont pas les anciens bourreaux qui ont disparu, mais leur visibilité. Et dans leur invisibilité cultivée, ils tissent patiemment les fils d’un projet de reconquête, au croisement des ressentiments, des alliances interethniques et des ambitions clandestines.
L’on croyait l’idéologie de l’Akazu disqualifiée à jamais par la mémoire du million de morts de 1994. Or, c’est justement cette mémoire qui est aujourd’hui marchandée dans les méandres opaques du conflit congolais. Il est temps, pour les consciences lucides, de ne pas se tromper de combat : là où certains voient des rébellions manipulées, il faut reconnaître l’ancrage ancien d’une haine ressuscitée. Là où d’autres plaident l’oubli, il convient d’exiger la vigilance. Car de l’ombre à la lumière, il n’y a parfois qu’un silence complice.

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