Urgent

Lettre ouverte de la diaspora rwandaise de Belgique aux responsables politiques belges

Redigé par Gakuba Ernest
Le 10 mars 2025 à 02:26

Nous, Belges d’origine rwandaise, sommes préoccupés par l’acharnement à tous les niveaux de pouvoir contre le Rwanda. Bien intégrés dans notre pays d’adoption, nous aimons la Belgique et ses valeurs de justice et de responsabilité. Mais nous ne pouvons rester silencieux à une lecture sélective et biaisée de la crise dans la région des Grands Lacs.

Nous constatons avec inquiétude le lobbying anti-Rwanda fait par la Belgique au niveau européen et la succession de résolutions votées aux niveaux bruxellois, wallon, fédéral – et même communal – souvent à l’initiative d’élus d’origine congolaise qui instrumentalisent ainsi le conflit et reprennent mot pour mot la position officielle du gouvernement de la RDC, ignorant ainsi des vérités essentielles sur la situation à l’Est du Congo.

Nous comprenons et partageons l’expression d’une solidarité envers le peuple congolais et le désir sincère de favoriser la paix. Cependant, cette empathie ne saurait justifier un aveuglement politique, ni l’adoption d’un discours simpliste qui exonère complètement Kinshasa de sa responsabilité.

Une inacceptable absence de rigueur et de nuance

Omettre le rôle des autorités congolaises dans l’instabilité de l’Est de la RDC est une faute grave. Depuis des années, le gouvernement central a perdu le contrôle effectif de vastes régions, déstabilisées par plus de 120 milices et groupes armés, dont beaucoup se rendent coupables de violations et d’abus contre les civils.

En octobre 2023 et mars 2024, le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme a rapporté que l’armée et la police congolaise étaient responsables de plus de 40 % des violations des droits de l’homme en RDC. Le président de la RDC a, à maintes reprises, menacé de renverser le pouvoir au Rwanda et a fait appel à des mercenaires européens en violation des conventions internationales. Où est la condamnation de ces actes dans les résolutions votées en Belgique ?

Plutôt que de proposer une approche équilibrée, les décideurs belges ont adopté un narratif simpliste et partial, dépeignant Kigali comme responsable du conflit en RDC. Cette posture est d’autant plus décevante que la Belgique a longtemps fait preuve de lucidité et de vigilance sur la question des Grands Lacs, et devrait comprendre mieux que quiconque les causes profondes du conflit de par son passé colonial.

Une régression historique pour la Belgique

En 1997, alors que la France soutenait encore le régime génocidaire, une commission parlementaire belge enquêtait sur les responsabilités de la Belgique dans le Génocide contre les Tutsi. Ses travaux menèrent aux excuses historiques du Premier ministre Guy Verhofstadt en 2000.

En 2000, la Belgique émettait un mandat d’arrêt international contre Abdulaye Yerodia Ndombasi, alors Vice-Président et ministre des Affaires étrangères de la RDC, pour incitation à la haine raciale, après qu’il eut appelé à « l’éradication méthodique » des Tutsi. Aujourd’hui, alors que la persécution des Rwandophones en RDC atteint des niveaux alarmants, où est cette vigilance belge ?

L’oubli d’une crise enracinée dans la haine ethnique

L’existence de communautés rwandophones en RDC ne date pas de la colonisation. Contrairement à d’autres pays africains qui ont géré ces réalités sans persécuter leurs minorités, la RDC a systématiquement marginalisé les siens.

En 1981, le gouvernement de Mobutu leur a retiré la citoyenneté.

En 1998, l’appel de Yerodia Ndombasi à exterminer les Tutsi a mené à des massacres.

En 2021, Genocide Watch a placé les Banyamulenge aux stades 9 et 10 du génocide (extermination et déni).

En 2022, l’ONU a averti sur la recrudescence de la haine ethnique et du discours anti-rwandophone en RDC.

Cette haine systémique est la cause profonde du conflit, bien plus que les prétendues convoitises rwandaises sur les richesses minières congolaises.

Depuis 1994, la présence persistante de forces génocidaires anti-Tutsi en RDC telles que les FDLR est dénoncée par les Nations Unies. Faute d’avoir été neutralisés, ces groupes responsables d’innombrables exactions sur les populations civiles et dont l’idéologie ethniciste empoisonne la région, collaborent aujourd’hui ouvertement avec l’armée régulière de la RDC. En témoigne les rapports des Nations Unies ainsi que les récentes arrestations, à Goma, de hauts gradés FDLR impliqués dans le génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda.

Appel à la responsabilité des décideurs belges

Nous appelons les responsables politiques belges à un sursaut de lucidité. Il ne s’agit pas de nier la souffrance du peuple congolais. Il ne s’agit pas d’exonérer le Rwanda de tout regard critique. Il s’agit d’adopter une analyse juste et nuancée, basée sur les faits et à la hauteur des enjeux réels.

L’heure n’est pas aux discours moralisateurs, mais à la prise de responsabilités. Pourtant, la voie choisie par les responsables politiques belges ne va pas dans le bon sens : loin d’apaiser les tensions, elle alimente le conflit sans s’attaquer à ses causes profondes. Une approche biaisée qui risque également d’attiser les tensions entre les diasporas congolaise et rwandaise, menaçant ainsi la cohésion sociale sur notre territoire.

Les sanctions ne résoudront pas la crise. Les dénonciations unilatérales ne feront pas avancer la paix. Encourager les leaders congolais dans leur fuite en avant est irresponsable et sape les initiatives régionales en cours (EAC-SADC) afin de mettre fin au conflit.

Seule une approche équilibrée, lucide et fondée sur une véritable compréhension des dynamiques régionales et sur le dialogue et la négociation peut ouvrir la voie à une solution durable.

La Belgique a une tradition d’engagement courageux pour la vérité et la justice dans les Grands Lacs. Elle doit refuser d’abandonner cet héritage au profit d’une posture dogmatique et aveugle.

La lettre a été rédigée par la diaspora rwandaise résidant en Belgique et publiée officiellement ce lundi 10 mars 2025 par Gakuba Ernest, président de la DRB-Fédéral.

Gakuba Ernest Président de la DRB-Fédéral

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité