Car la paix véritable ne se forge ni dans l’oubli commode ni dans le compromis mensonger, mais dans l’exigence rigoureuse de justice rendue et de vérité reconnue sans quoi les plaies de l’Histoire, loin de se refermer, suppurent sous les vernis du déni.
Alors que les projecteurs de la diplomatie internationale étaient tournés vers Doha, censée accueillir ce vendredi 8 août l’ouverture tant attendue des négociations de fond entre le gouvernement congolais et la coalition rebelle AFC/M23, un silence glacial a résonné sur les pistes de l’émirat.
Ce silence n’est pas une absence de mots, mais une manifestation assourdissante du refus d’entendre une exigence pourtant élémentaire : la libération des Tutsi congolais arbitrairement détenus dans les geôles de Kinshasa au seul motif de leur appartenance ethnique.
La délégation de l’Alliance Fleuve Congo, dans un geste d’une clarté politique et éthique sans équivoque, a refusé de prendre part à la mascarade de pourparlers vidés de leur substance, tant que ses prisonniers, civils ou combattants présumés, ne sont pas remis en liberté. À cet égard, il ne s’agit pas d’un caprice diplomatique, encore moins d’une manœuvre dilatoire : il s’agit du socle même de toute discussion sérieuse. Car nul processus de paix ne saurait s’ériger sur l’humiliation, l’injustice et la persécution silencieuse d’une partie du peuple congolais.
Une détention arbitraire qui confine au crime d’État
Depuis plusieurs mois, des centaines de tutsi congolais pour la plupart des civils, commerçants, pasteurs, enseignants, voire anciens déplacés croupissent dans des centres de détention du Service national de renseignement, sans chefs d’accusation clairs, sans procédure régulière, sans accès à leurs familles ni à un avocat.
Leur tort ? Porter un nom, une langue, une apparence, ou entretenir un lien supposé avec la rébellion du M23. Leur identité même est devenue une preuve à charge dans un État qui, tout en clamant son attachement à la démocratie, tolère la stigmatisation ethnique comme levier politique.
À Kinshasa, le pouvoir pratique une double rhétorique : d’un côté, il se présente en victime d’un complot extérieur orchestré depuis Kigali ; de l’autre, il poursuit sans relâche une politique de profilage ethnique qui s’apparente à une persécution collective. Les prisonniers tutsi en sont l’incarnation la plus tragique. Et chaque jour passé derrière les barreaux sans jugement, sans recours, vient nourrir les blessures béantes d’une communauté depuis longtemps reléguée à la périphérie de la citoyenneté congolaise.
Le prix du silence international
Cette situation intolérable, qui rappelle les heures les plus sombres du tribalisme politique, ne semble pourtant pas émouvoir les capitales occidentales. Les organisations internationales, habituellement promptes à dénoncer les arrestations arbitraires, les discriminations ethniques ou la détention sans procès, gardent ici un silence aussi prudent que complice. Ce silence n’est pas neutre : il conforte l’impunité du pouvoir congolais, il valide l’idée que certaines populations peuvent être sacrifiées sur l’autel de la raison d’État.
Ce silence est d’autant plus inquiétant qu’il fragilise l’esprit même des négociations de Doha. L’accord de principe esquissé au Qatar reposait sur un principe simple : la confiance réciproque et la volonté politique de désamorcer les causes profondes du conflit. Or, il était clairement établi que des gestes de bonne volonté devaient précéder la reprise des pourparlers.
La libération des prisonniers politiques, notamment tutsi, en faisait partie. En refusant de s’y conformer, le gouvernement de Kinshasa rompt un engagement implicite et démontre que la paix, pour lui, demeure une variable d’ajustement, non une priorité.
Un préalable incontournable
L’AFC/M23, en conditionnant son retour à Doha à la libération des tutsi congolais détenus, ne fait que rappeler une exigence fondamentale de toute négociation : l’égalité de dignité. Comment espérer établir une paix durable lorsque l’une des parties se voit niée dans son humanité, stigmatisée dans son essence, criminalisée dans son identité ? Exiger la libération de ces prisonniers, c’est exiger la reconnaissance de leur pleine citoyenneté, c’est affirmer que nul ne peut être enfermé parce qu’il est tutsi.
Ce n’est ni une posture, ni un préalable tactique : c’est une exigence de justice. Or, sans justice, il ne saurait y avoir de paix authentique, mais seulement un sursis, un écran de fumée diplomatique voué à se dissiper dans le tumulte de la trahison et du ressentiment.
Doha ou le mirage de la paix sans fondement
Le mutisme de Kinshasa quant à la composition même de sa délégation à Doha trahit une volonté de torpiller le processus en cours, ou, à tout le moins, d’en faire une tribune sans conséquence. Mais la paix ne se décrète pas : elle se construit, pierre à pierre, à travers des actes concrets. La libération des tutsi congolais détenus est l’une de ces pierres angulaires, sans laquelle toute architecture de réconciliation s’effondrera.
Il appartient donc à la communauté internationale, aux garants du processus de Doha, aux médiateurs, aux partenaires africains, d’exiger la fin de cette détention discriminatoire. Car fermer les yeux aujourd’hui, c’est nourrir les fractures de demain. Et l’Histoire a déjà prouvé que là où l’impunité prospère, la haine renaît.
Libérez les tutsi congolais. Non parce qu’ils sont tutsi. Mais parce qu’ils sont congolais. Parce que nul ne doit être emprisonné pour ce qu’il est. Parce qu’aucun dialogue ne peut s’enclencher dans la négation des droits fondamentaux de l’autre. Parce que la paix ne s’écrit pas avec des barreaux, mais avec des ponts.

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