Enrôlant dans sa croisade un agrégat hétéroclite de forces armées congolaises (FARDC), des FDLR, des criminels wazalendo, de contingents burundais, de mercenaires occidentaux et de troupes venues d’Afrique australe sous couvert d’un mandat régional, le chef de l’État congolais avait voulu faire montre d’une puissance de feu susceptible de dissuader toute avancée rebelle. Hélas, cette imposante mais dissonante coalition, loin d’être un levier de reconquête, s’est révélée un colosse aux pieds d’argile.
Depuis janvier dernier, les lignes ont irrémédiablement bougé. Les revers militaires se sont accumulés au fil des mois, actant la faillite tactique d’une stratégie offensive davantage fondée sur l’affichage que sur la cohérence opérationnelle. Les troupes loyalistes, bien que soutenues par une cohorte de mercenaires et d’armées étrangères, n’ont pu endiguer l’offensive résolue de l’AFC/M23, une force que beaucoup à Kinshasa persistent, avec un entêtement doctrinaire, à réduire à une émanation du Rwanda, alors qu’elle incarne aujourd’hui l’expression désespérée d’un peuple exilé, en quête de reconnaissance nationale et du droit au retour, après plus de trente années d’errance dans des camps de fortune.
Confronté à cette impasse militaire, le pouvoir congolais a redoublé d’activisme diplomatique, multipliant les invitations à Kinshasa et envoyant délégations sur délégations à Washington, dans l’espoir d’arracher un soutien international à coups de promesses contractuelles et des millions des dollars dans des cabinets de lobby.
L’effet escompté fut tout autre : au lieu de provoquer l’adhésion ou de rallier la sympathie des puissances occidentales, l’activisme diplomatique effréné de Kinshasa n’a fait que catalyser un regard plus incisif et désormais implacable sur les tares congénitales d’un régime à bout de souffle. Les chancelleries, naguère encore bienveillantes ou simplement indifférentes, dressent à présent un constat sans appel : la dépravation des mœurs y rivalise avec l’inversion cynique des valeurs républicaines, dans un climat où le népotisme le plus éhonté s’affiche sans vergogne.
La corruption y est devenue un mode de gouvernance, les détournements une mécanique institutionnalisée, et le tribalisme, loin d’être un reliquat archaïque, une clef d’accès aux prébendes du pouvoir. A mesure que se dévoile cette architecture de prédation, construite sur le dos d’un peuple exsangue, la RDC apparaît non plus comme une victime géopolitique, mais comme le théâtre d’un naufrage moral orchestré par ses propres élites.
Le 25 mars, Ronny Jackson, élu républicain et ancien médecin de la Maison-Blanche, a livré devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants une analyse au vitriol : il a qualifié la RDC de « Far West », dénonçant le pillage éhonté du pays par ses élites, pendant que la population croupit dans une misère abyssale.
À peine deux semaines plus tard, c’est Massad Boulos, conseiller personnel de Donald Trump pour les affaires africaines et beau-père de Tiffany Trump, qui foule le sol congolais. S’il s’est montré plus mesuré dans ses propos, son jugement n’en est pas moins sans appel. La désintégration visible de l’appareil étatique congolais, perceptible, contraste cruellement avec les richesses minières incommensurables du pays.
Tandis que 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, les parlementaires, quant à eux, perçoivent des émoluments mensuels supérieurs à 30.000 dollars, scandale qui illustre la coupure vertigineuse entre l’oligarchie politico-affairiste et le peuple.
Le contraste avec l’efficacité technocratique du Rwanda, dont les banques, raffineries et réseaux logistiques attirent les flux commerciaux et les capitaux, est saisissant. Kigali, fort de sa gouvernance resserrée, apparaît aujourd’hui comme un acteur incontournable du dossier congolais, là où Kinshasa multiplie les maladresses diplomatiques et laisse prospérer un système minier corrompu, gangrené par les réseaux familiaux du sommet de l’État.
L’échec de la diplomatie congolaise est d’autant plus patent que, le 21 avril à Doha, fut arrachée, une déclaration conjointe entre les représentants du gouvernement congolais et ceux de l’AFC-M23. L’événement est d’importance historique. Alors que Tshisekedi avait toujours juré, avec morgue, qu’il ne négocierait jamais avec ceux qu’il qualifiait de « terroristes » ou de « marionnettes du Rwanda », voilà que la rhétorique change, que les condamnations se font plus feutrées, et que les ex-ennemis de la nation deviennent des interlocuteurs légitimes. Cette trêve esquissée, même encore incertaine dans sa mise en œuvre, signe la faillite politique d’un narratif de confrontation aveugle et d’hostilité rigide.
Ainsi, à force de refuser obstinément le dialogue, d’investir dans la brutalité d’une réponse militaire inefficace, et de se draper dans les oripeaux d’un nationalisme incantatoire, le régime de Tshisekedi se retrouve acculé, contraint de pactiser avec ceux qu’il voulait anéantir.
L’histoire retiendra peut-être que cette volte-face ne fut pas le fruit d’un renoncement, mais d’un retour tardif au réel. Le pays, épuisé par des décennies de mauvaise gouvernance, de prédation et de guerre, attend autre chose : une parole d’apaisement, un projet de reconstruction, et une gouvernance digne de ce nom. Car la RDC ne peut continuer à être la scène tragique où se joue la comédie cynique des puissants sur fond de détresse populaire.

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