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Au Japon, l’hôtel géré par des robots fait machine arrière

Redigé par
Le 20 janvier 2019 à 04:06

L’établissement Henn-na devait être le premier hôtel au monde entièrement tenu par des robots. Moins de quatre ans après son ouverture, il renvoie la moitié de son personnel métallique, victime de bugs à répétition.

Le réceptionniste a les dents longues et sort facilement ses griffes. Sa collègue en tailleur blanc, cheveux et foulard joliment noués, est aussi impassible à la fourrure de son voisin qu’aux appareils photo régulièrement brandis sous son nez. « Irashaimasu ! » (Bienvenue !) La belle et la bête accueillent les clients amusés. A l’hôtel Henn-na, qui signifie bizarre, étrange ou drôle en français, les créatures artificielles sont aux manettes, comme le montrait fin 2015 le reportage de la BBC.

Lancé en fanfare en juillet 2015 en plein cœur du gigantesque parc d’attractions Huis Ten Bosch à Sasebo, près de Nagasaki, au sud du Japon, l’établissement devait être le premier au monde entièrement tenu par des robots. Las, il licencie aujourd’hui la moitié des 243 qu’il emploie. Motif ? Ils plombent la productivité. Loin de faire baisser la main-d’œuvre, les robots l’augmenteraient, car leurs multiples dysfonctionnements exigent trop souvent l’intervention d’humains. Un comble pour de simples machines.

Au début, pourtant, l’histoire semblait séduisante. Le succès du premier hôtel Henn-na étant au rendez-vous, d’autres enseignes ont suivi à Tokyo et dans ses environs, bientôt à Osaka, Fukuoka et Kyoto. « Le Japon manque de chambres d’hôtel et de main-d’œuvre, a déclaré Miura Tatsuki, directrice de la division des relations publiques de l’agence de voyages HIS à la tête du réseau. Nous avons créé cet hôtel en partie pour répondre aux problèmes de société. »

Réveil ou interrupteur
A Sasebo, un vélociraptor à nœud papillon et une humanoïde battant des cils gèrent les enregistrements. Deux « concierges » Nao, petits androïdes du français Aldebaran racheté par la holding nippone Softbank, guident les clients, les orientent ou les informent des horaires du petit-déjeuner. Logé dans une élégante cage en verre aux murs tapissés de tiroirs blancs, un bras robotique se charge de la consigne.

Les distractions continuent au fil des couloirs. Deux chariots à roulettes portent les bagages jusqu’au seuil des portes. Enfin, dans chacune des chambres, une tulipe en plastique rose trônant sur le chevet fait office de réveil ou d’interrupteur à condition de l’interpeller au préalable par son prénom. « Churi-chan ! » « Nan deshoka ? » (Que puis-je faire ?) répond la fleur qui s’exécute sur une série de commandes simples, formulées en japonais, telles « Eteins la lumière », « Quelle sera la météo demain ? » ou « Quelle heure est-il ? »

Ni pause, ni salaire
Dès l’inauguration, les responsables se montraient très satisfaits des effectifs. « Nous employons plus de 80 robots contre une dizaine d’humains seulement », se félicitait alors Kotaro Takada, de la compagnie Huis Ten Bosch. Les embauches ont rétréci les troupes, du moins celles en chair et en os : il y a désormais plus de 200 robots contre 8 humains. Une aubaine, assurément. Les machines distraient et attirent les clients, et surtout, elles ne réclament ni pause ni salaire. Face au déclin de la population et au nombre croissant de touristes étrangers, elles offrent donc une belle occasion de baisser drastiquement les coûts de personnel.

Mais pourquoi encore recruter des hommes ? A Sasebo, un petit nombre d’humains a la noble tâche de veiller au bon fonctionnement de l’hôtel via les caméras de surveillance. Les autres manient l’aspirateur et le chiffon. « Les robots et l’eau ne font pas bon ménage », regrettait Kotaro Takada. « Ils ne savent toujours pas faire les lits ! » déplorait pour sa part le patron du complexe, Hideo Sawada. A croire que le propre de l’intelligence humaine se loge dans un coup d’éponge ou le pli d’un drap.

Reste que si les robots sont corvéables, ils demeurent capricieux. A l’inauguration, les bugs étaient déjà nombreux. « Cet hôtel, c’est un numéro zéro », disait humblement Kotaro Takada qui ne parvenait pas à les dompter. Plus de trois ans après, les plaintes s’accumulent. Des concierges statiques incapables de répondre à la moindre question. Des robots porteurs qui n’atteignent qu’une dizaine de chambres sur les 200 de l’établissement, les dénivelés ayant trop vite raison de leurs roulettes.

Un rapide coup d’œil sur les commentaires en ligne montre que la principale cible des reproches, c’est Chuuri-chan, la tulipe en chambre. « Désolé, je n’ai pas compris. Pourriez-vous répéter votre demande ? » lance-t-elle d’une voix nasillarde à toute heure. Nombre de clients se plaignent de nuits peu relaxantes car Chuuri-chan se met à parler de manière intempestive. L’un d’entre eux, après plusieurs réveils, a compris que ce qui déclenchait ses répliques étaient en réalité… ses ronflements intenses. La tulipe fait partie des licenciés.
Liberation.


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