Aucun répit pour Joe Biden aux USA

Redigé par Tite Gatabazi
Le 5 juin 2025 à 02:10

Il est des moments dans l’histoire politique d’un peuple où la démocratie cesse d’être le théâtre feutré du compromis pour devenir l’arène brutale d’une revanche. En ordonnant l’ouverture d’une enquête visant à dévoiler un hypothétique complot orchestré par l’entourage de Joe Biden, le président Trump ne cherche pas tant à défendre la légalité que réactiver la logique sacrificielle qui sous-tend son retour au pouvoir : purifier, punir, et réécrire l’histoire.

Dans la vision manichéenne qu’il promeut, les quatre années de présidence Biden ne seraient qu’une parenthèse illégitime, un interrègne d’imposture que l’on devrait révoquer rétroactivement. L’idée même que la santé d’un chef d’État ait pu être maquillée ou pire, exploitée afin de confisquer symboliquement le pouvoir, convoque les spectres de la décadence impériale, où les figures sénescentes servent de paravent aux intrigues de palais.

Mais ce que cette mise en accusation révèle surtout, c’est la mue de la présidence américaine en une magistrature d’exception, où l’ennemi politique devient suspect constitutionnel, et où les institutions vacillent sous le poids des ressentiments. Que reste-t-il, dans ce climat délétère, du serment de neutralité et de tempérance qu’exige l’esprit républicain ? Rien, ou presque.

En réhabilitant les insurgés du Capitole, en ruminant sa défaite passée comme une injustice rédemptrice, Donald Trump impose au pays une temporalité revancharde, hors du cadre normatif de l’alternance démocratique. L’ouverture de cette enquête, quels qu’en soient les mérites juridiques, apparaît ainsi moins comme une exigence de vérité que comme une dramaturgie de l’humiliation infligée à l’ancien pouvoir.

Au fond, ce n’est pas seulement Joe Biden qui est visé. C’est l’idée même qu’un adversaire politique puisse gouverner sans soupçon d’illégitimité. La démocratie américaine, autrefois fondée sur la dissidence loyale et l’alternance pacifique, s’achemine vers une ère de soupçon permanent, où toute défaite appelle réparation, et toute victoire, châtiment.

À travers cette séquence, les États-Unis nous donnent le spectacle paradoxal d’une république qui, au nom de la légalité, s’abandonne à la logique de la vengeance. Ce n’est plus le droit qui régit la politique, mais le ressentiment qui façonne le droit. Et cela, peut-être plus encore que le déclin d’un président, devrait nous inquiéter.

En lançant une enquête sur un supposé complot lié à Joe Biden, Trump vise moins la justice que son retour au pouvoir

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité