Et pourtant, la tempête gronde. La CENCO, vent debout contre ce projet de révision, s’insurge avec une vigueur rare, accusant le pouvoir de briser les règles du jeu démocratique et de fragiliser les fondations mêmes de la République. Elle n’est pas seule dans cette fronde. Aux côtés de l’Église catholique, figures et mouvements d’opposition élèvent aussi leur voix avec force. Moïse Katumbi, Martin Fayulu, et une large frange de la société civile, unissent leurs critiques en un chœur de défiance, dénonçant ce qu’ils perçoivent comme une dérive autoritaire dissimulée sous le voile d’une prétendue modernisation constitutionnelle. Pour eux, cette réforme est un subterfuge, une manœuvre hâtive pour consolider un pouvoir qui vacille. C’est un scénario que nombre d’analystes voient déjà jouer ailleurs : une constitution qui, subtilement amendée, renforce les leviers d’un régime inquiet de son avenir.
Le 5 novembre, dans cette atmosphère de dissension, Agée Matembo, questeur de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), en a payé le prix fort. En désaccord avec les pressions de son supérieur, Denis Kadima, et des instances au plus haut sommet de l’État, Matembo a osé exprimer une opinion discordante. Il a refusé d’apposer son nom sur un projet qu’il considère précipité, voire dangereux, pour la stabilité nationale. Et pour ce refus, il a été brièvement retenu par la Demiap, unité de renseignement militaire. Vers 22 heures, il fut conduit devant le général Christian Ndaywell, où il passa la nuit jusqu'à son relâchement aux premières lueurs du jour, sous l’injonction de se montrer désormais plus « coopératif » et de débloquer les fonds nécessaires à cette machine référendaire déjà en marche.
Cette dissension interne dévoile un malaise bien plus profond, un déchirement au sein même de la Ceni, institution théoriquement neutre, mais désormais exposée aux vents contraires d’un pouvoir qui cherche à tout prix à imposer son calendrier. Matembo, notable du Katanga dans une Ceni largement dirigée par des personnalités kasaïennes, exprime les peurs d’un pan de la nation qui redoute que cette révision constitutionnelle ne provoque une vague de troubles. Il y voit, comme beaucoup, une tentative de transformation précipitée des structures institutionnelles, un acte de défi qui pourrait bien allumer la mèche de l’instabilité dans un pays aux équilibres fragiles.
Dans ce climat de tensions, la volonté manifeste de Tshisekedi d’accélérer cette réforme, en évinçant au passage l’Union sacrée de la nation, alimente le ressentiment et la suspicion. La Ceni, mise sous pression, semble devenue l’instrument d’une ambition qui défie la logique démocratique et bafoue les protocoles de consultation. Pour la CENCO et l’opposition, c’est là une preuve accablante : le pouvoir veut avancer coûte que coûte, forçant le passage comme un bulldozer sur un terrain jonché de doutes et d’inquiétudes.
Les conséquences de cette radicalité ne sont pas à prendre à la légère. Car cette démarche brutale, dénoncée de toutes parts, pourrait bien s’avérer l’étincelle de trop. Dans les ruelles et les foyers, le peuple observe avec une attention inquiète. Pour certains, cette révision constitutionnelle prend des allures de trahison, une manœuvre pour cimenter un pouvoir sans considération pour la voix populaire. Pour d’autres, c’est la preuve d’une surenchère politique où l’ambition personnelle prend le pas sur le bien commun, où le pouvoir se drape d’une légitimité fabriquée.
Alors que la RDC marche au bord du précipice, la question demeure : jusqu’où ira cette fuite en avant ? La radicalité des choix faits en haut lieu, la désobéissance civilisée de Matembo, la fronde des évêques et des opposants, tous ces signes convergent vers une même inquiétude. La République, malmenée et divisée, pourrait bien être la victime finale de cette course effrénée. La Ceni, fragilisée dans son rôle, les partis d’opposition enragés et une société civile exaspérée forment désormais les remparts face à ce qu’ils perçoivent comme une menace pour la démocratie congolaise. L'histoire jugera cet épisode, mais une chose est certaine : le peuple, lui, ne restera pas silencieux si la voie de la force continue de balayer la promesse d’une démocratie équitable et respectueuse.
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