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La Belgique face à son passé au Rwanda : devoir de mémoire ou complicité silencieuse ?

Redigé par Rurangwa Vedaste
Le 15 mai 2025 à 11:44

Depuis plusieurs années, la Belgique participe régulièrement aux commémorations du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994, notamment à travers une cérémonie organisée à Camp Kigali pour honorer les dix casques bleus belges tués au début du génocide.

Mais à l’occasion de la 31ᵉ commémoration (Kwibuka 31), un fait marquant a été observé : aucun représentant officiel belge n’a pris part à cet hommage, ni au Rwanda ni à travers une déclaration publique visible. Une absence qui interroge, dans un contexte de tensions diplomatiques croissantes entre les deux pays.

Un tournant dans la mémoire officielle belge ?

Le 7 avril 1994, dix soldats belges servant dans la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) sont tués à Kigali.

Ces soldats avaient été déployés pour protéger, entre autres, la Première ministre Agathe Uwilingiyimana, menacée par les extrémistes hutu. Leur mort a profondément marqué la Belgique, précipitant par la suite le retrait du contingent belge de la MINUAR.

Jusqu’à récemment, cet épisode dramatique faisait l’objet d’un devoir de mémoire régulier de la part de la Belgique. Pourtant, en 2025, cette mémoire semble s’effacer des agendas officiels, soulevant la question suivante : le contexte politique actuel influencerait-il la manière dont la Belgique choisit d’honorer son propre passé au Rwanda ?

Quand la politique étrangère efface la mémoire

Ces dernières années, la Belgique s’est de plus en plus compromise dans les dynamiques d’instabilité qui frappent la région des Grands Lacs, notamment à travers ses alliances politiques et militaires en RDC.

Plusieurs rapports et analyses indiquent que Bruxelles entretient des relations ambiguës avec des acteurs responsables de violences dans l’est de la RDC, y compris des groupes issus des anciennes milices génocidaires.

Cette posture soulève des interrogations profondes : comment une nation qui se revendique défenseure des droits humains peut-elle soutenir, directement ou indirectement, des groupes responsables de crimes contre les populations civiles ? Et comment, dans ce contexte, peut-elle simultanément prétendre au devoir de mémoire vis-à-vis du génocide perpétré contre les Tutsi ?

Un devoir de mémoire à géométrie variable ?

La question mérite d’être posée : les dix soldats belges ont-ils été oubliés parce qu’ils ont tenté de sauver des Tutsi ? Le récit historique rappelle que ces hommes ont agi dans un moment critique, alors que le génocide venait de débuter. Leur sacrifice est reconnu non seulement comme un épisode tragique, mais comme une tentative, certes insuffisante, de résistance face à l’horreur.

Pourtant, la mémoire collective belge semble désormais sélective, au risque de brouiller les repères éthiques et moraux que cette commémoration annuelle portait jusqu’alors. Car ignorer ces soldats aujourd’hui, c’est aussi remettre en question les valeurs qu’ils représentaient : la paix, la protection des civils, et la lutte contre l’extrémisme.

Une histoire lourde de responsabilités

Il est important de rappeler que la Belgique a joué un rôle central dans l’histoire du Rwanda. Durant la période coloniale, l’administration belge a activement promu les divisions ethniques en imposant des cartes d’identité basées sur l’ethnie, instaurant ainsi une logique de hiérarchisation sociale entre Hutu, Tutsi et Twa. Après l’indépendance, elle a soutenu plusieurs régimes successifs, parfois au détriment de la cohésion sociale et de la prévention des conflits.

En 1994, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l’inaction de la communauté internationale, y compris de la Belgique, face aux génocide perpétré contre les Tutsi. Depuis, les relations bilatérales se sont construites dans un climat de mémoire complexe, entre reconnaissance des responsabilités historiques et contradictions actuelles dans l’engagement pour la paix.

L’absence de la Belgique aux cérémonies rendant hommage aux dix casques bleus belges tués au début du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994 envoie un signal inquiétant.

Elle interroge l’authenticité de l’engagement mémoriel de Bruxelles et la cohérence de sa politique étrangère dans la région des Grands Lacs. Car on ne peut, d’un côté, se réclamer du devoir de mémoire, et de l’autre, être perçu comme l’un des moteurs de l’insécurité régionale à travers la RDC.

Honorer les morts ne devrait jamais dépendre des intérêts géopolitiques du moment. La mémoire des dix casques bleus belges, comme celle du million de Tutsi exterminés en 1994, mérite plus que le silence. Elle mérite le courage de la vérité.

Le 7 avril 1994, dix soldats belges servant dans la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) sont tués à Kigali. Ces soldats avaient été déployés pour protéger, entre autres, la Première ministre Agathe Uwilingiyimana, menacée par les extrémistes hutu.

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