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Bertrand Bisimwa à bout de patience

Redigé par Tite Gatabazi
Le 25 octobre 2025 à 08:00

L’évocation de la célèbre sentence attribuée à Mobutu « ma patience de chameau a des limites » n’est point un trait d’antiquité rhétorique : elle résonne, aujourd’hui encore, comme une vérité politique intemporelle.

Il est, dans la trajectoire des peuples, des instants où la patience cesse d’être vertu et devient aveu. Mais il est, tout autant, des engagements solennels qui obligent à la retenue afin de laisser surgir la paix réelle et durable.

Entre ces deux exigences, la dignité et la prudence, se dessine le difficile équilibre qu’exigent la responsabilité et la stratégie d’un mouvement armé désireux de légitimer sa cause politique.

L’allocution récente de Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint de l’AFC/M23, doit être lue à la lumière de cet équilibre : elle n’est ni provocation gratuite ni posture de simple provocateur, mais l’expression mesurée d’un mouvement qui, après avoir épuisé les voies de l’avertissement et de la médiation, réaffirme sa détermination à défendre les droits fondamentaux de populations qu’il se dit chargé de protéger.

Dire « nous avons la capacité de détruire ces drones… nous l’avons déjà fait par le passé » n’est pas donner le mode d’emploi d’une escalade : c’est poser un principe de dissuasion, rappeler que la guerre technologique n’est pas l’apanage d’un seul camp et que la souveraineté se défend, parfois, par la démonstration de moyens.

Il convient ici de dissocier la fermeté de la férocité. La fermeté est posture politique : elle impose des lignes rouges, exige des garanties de bonne foi et contraint la partie adverse à rendre des comptes. La férocité, elle, est désordre sans finalité.

L’AFC/M23, en affirmant sa capacité de riposte, choisit donc la posture de l’acteur politique qui veut imposer par la crédibilité de ses menaces un espace de négociation plus respectueux des engagements pris.

Si la parole publique devient instrument de puissance, c’est parce que la diplomatie, seule, a été trop souvent outrée par des procédés dilatoires et des manœuvres destinées à gagner du temps plutôt qu’à réparer les torts.

La chronologie des incidents rapportés, ponts détruits, attaques de drones contre des zones civiles, coupures d’approvisionnement ciblées ; trace le tableau d’une stratégie qui semble, de la part du camp gouvernemental, davantage tendue vers l’érosion de la confiance que vers la restauration de la paix.

Face à cette réalité, le clameur d’un mouvement se veut à la fois acte de dénonciation et instrument de légitimation : dénonciation des crimes et des manquements ; légitimation d’une action conçue comme ultime recours pour protéger des populations menacées et préserver une capacité de négociation crédible.

Mais politique élevée rime aussi avec responsabilité. Affirmer la capacité de neutraliser des drones sans détailler les procédés, sans en faire appel au spectacle de la violence relève d’une stratégie de communication militaire et politique : montrer que l’on n’est pas impuissant, que l’on dispose de marges d’action susceptibles de modifier le rapport de forces.

A cet égard, la fermeté proclamée par M. Bisimwa est un outil de pression destiné à la fois aux négociateurs et aux opinions publiques locales et internationales. Elle affirme que la paix ne peut être obtenue par la seule capitulation des revendications humaines au profit d’un simulacre de normalité.

Il faut, enfin, interroger les implications d’un tel tournant discursif. Quand un mouvement cesse d’endosser exclusivement le rôle de la supplique et embrasse celui de la responsabilité assumée, il impose une recomposition du jeu politique régional : les acteurs externes, qui se contenteraient d’attendrissements officiels, sont sommés de traduire en actes leurs paroles ; les États concernés sont mis devant l’obligation de garantir la protection des civils et le respect des accords.

L’avertissement lancé aux contingents étrangers présents sur le sol congolais n’est pas seulement un ultimatum : c’est une injonction à l’ordre juridique et moral qui régit la souveraineté d’un État et la légitimité des interventions militaires sur son territoire.

Que retenir, alors, de ces paroles sans ambages ? D’abord que la patience, aussi vertueuse soit-elle, ne saurait être invoquée éternellement pour masquer la vacuité des engagements pris.

Ensuite que la fermeté lorsqu’elle est exprimée avec mesure et inscrite dans un projet politique peut devenir condition de la reprise d’un dialogue sincère.

Enfin que la communauté internationale, si elle veut que la paix se cristallise, doit cesser d’administrer des certitudes rhétoriques et commencer à imposer des garanties tangibles : vérification, retrait des moyens offensifs dirigés contre les civils, et responsabilité pour les violations constatées.

Dans ce contexte, la déclaration de Bertrand Bisimwa traduit moins une volonté belliqueuse qu’une exigence de clarté : clarifier qui protège, qui détruit, qui trahit les engagements, et qui, au contraire, est disposé à rendre la paix possible.

A défaut d’une réponse politique à la hauteur de ces défis, la riposte annoncée n’apparaîtra plus comme une simple option tactique, mais comme l’expression tragique d’un échec collectif celui d’une diplomatie qui a laissé la violence se normaliser au détriment de l’humanité.

Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint de l’AFC/M23

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