C’est en ces termes d’une gravité maîtrisée que Corneille Nangaa, coordonnateur de la coalition, a ouvert une conférence de presse décisive du 23 octobre 2025 à Goma, flanqué de son adjoint, Bertrand Bisimwa, chargé des affaires politiques et diplomatiques.
Devant un parterre de journalistes nationaux et de correspondants étrangers, le tandem a livré un réquisitoire implacable contre le régime de Kinshasa, accusé de violer systématiquement les engagements pris dans le cadre du processus de paix de Doha.
L’heure n’était plus aux euphémismes : les dirigeants de l’AFC/M23 ont dressé le constat d’une trahison délibérée, où la mauvaise foi politique s’allie à une brutalité militaire d’État.
Six points précis, étayés par des faits documentés, ont été présentés à la presse, révélant une série d’exactions orchestrées par la coalition gouvernementale congolaise. Derrière les chiffres et les dates, se profilent des drames humains : villages bombardés, femmes violées, infrastructures vitales anéanties, populations ciblées pour leur appartenance communautaire.
Des violations méthodiques et une confiance brisée
Premier chef d’accusation : la situation tragique de Mikenke, dans le Sud-Kivu, où, depuis une semaine, les voies d’approvisionnement vers Minembwe ont été délibérément coupées, asphyxiant la population locale, particulièrement la communauté tutsie (Banyamulenge).
Corneille Nangaa a dénoncé une stratégie de la faim et de la peur, aggravée par des viols de femmes et de jeunes filles, filmés et diffusés avec une obscénité qui témoigne d’un effondrement moral.
Deuxième et troisième points : les bombardements du 20 et du 21 octobre. Les drones CH-4, livrés au gouvernement congolais, ont ciblé Peti, Lumbishi, Kaseke et Nyarushamba, détruisant des ponts, des habitations, et semant la mort jusque dans les zones civiles. À Bibwe, d’autres attaques terrestres ont suivi, signe d’une escalade concertée.
Quatrième, cinquième et sixième faits : les frappes du 22 et 23 octobre, cette fois à Kashebere et Twangiza, ont pris pour cible des villages et des infrastructures privées, réduisant en cendres des entreprises et des habitations.
Dans ce cycle de destruction, la parole de l’AFC/M23 prend des accents d’avertissement : « La confiance est morte et le dialogue, vidé de sa substance. »
L’avertissement : l’heure de l’assumation
Bertrand Bisimwa, le ton grave et le regard ferme, a donné la mesure du tournant : « Nous allons réagir coup pour coup, par des méthodes que nous savons définir. »
Cette phrase, prononcée avec une précision martiale, marque un glissement stratégique majeur. L’AFC/M23, longtemps prudente dans ses déclarations publiques, annonce désormais qu’elle ne restera plus dans une posture défensive. L’avertissement s’adresse aussi aux troupes étrangères, notamment burundaises et les mercenaires, engagées aux côtés des FARDC : « Quittez le territoire congolais ou vous en serez chassées. »
Ce ton sans ambages traduit l’épuisement d’une patience diplomatique trop souvent trahie. Le mouvement estime que le processus de Doha, vidé de son sens par la duplicité de Kinshasa, n’est plus qu’un simulacre, un théâtre où la paix sert d’alibi à la guerre.
Un tournant politique et symbolique
En s’adressant à la presse depuis Goma, cœur battant d’un Kivu meurtri, Corneille Nangaa a voulu replacer la responsabilité politique au centre du débat : « Il est temps de s’assumer. »
Derrière ces mots se dessine une philosophie de la résistance : celle d’un mouvement qui se refuse à subir l’arbitraire d’un État devenu, selon lui, le premier artisan du chaos qu’il prétend combattre.
Cette conférence de presse marque donc un moment de bascule d’une posture défensive à une posture assumée de réplique et d’autonomie politique.
Le message adressé à la communauté internationale est clair : le silence n’est plus une option. Le facilitateur du processus de Doha a été dûment informé des violations, mais l’AFC/M23 laisse entendre que la complaisance diplomatique devient complicité tacite.
Vers une recomposition du rapport de force
L’heure des illusions semble close. L’AFC/M23 veut désormais imposer un nouveau rapport de force, en se présentant non comme un mouvement rebelle marginalisé, mais comme un acteur politique structuré, porteur d’une vision de sécurité, d’ordre et de refondation. Derrière les accusations, c’est une stratégie de légitimation qui s’esquisse : celle d’un mouvement qui entend transformer la riposte militaire en acte politique fondateur.
Ainsi, lorsque Corneille Nangaa affirme : « Trop, c’est trop », ce n’est pas une simple exclamation d’exaspération, mais la déclaration d’une rupture historique, celle d’un Congo de l’Est qui refuse l’humiliation, la duplicité et l’abandon.
Goma, une fois encore, devient le théâtre d’une vérité brutale : la paix n’est plus une promesse abstraite, elle se gagnera désormais à la mesure de la détermination de ceux qui refusent de disparaître.














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