Ce départ, loin d’être un simple ajustement administratif, cristallise la désillusion des décennies d’efforts infructueux et signe le crépuscule d’un mandat aussi lourd de promesses que stérile dans ses résultats. Il marque la faillite morale d’une mission onusienne qui, au fil des ans, a perdu le sens de sa vocation première : celle de protéger les populations et de servir la paix.
A l’heure où le Conseil de sécurité s’interroge sur l’avenir même des opérations de maintien de la paix en Afrique, la MONUSCO apparaît comme le symbole d’un système à bout de souffle, miné par ses contradictions internes, gangrené par l’inaction et la complaisance politique.
En vérité, le départ annoncé de Bintou Keita sonne moins comme la fin d’un parcours personnel que comme le constat d’une débâcle collective, celle d’une mission devenue le miroir d’une impuissance institutionnalisée et d’un désenchantement onusien désormais impossible à masquer.
Il est des départs qui sonnent comme des aveux. Celui annoncé de Mme Bintou Keita, patronne de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), appartient à cette catégorie d’épilogues amers où la fin d’un mandat résonne comme la reconnaissance implicite d’un échec.
Nommée avec l’aura d’une diplomate chevronnée, censée réhabiliter la crédibilité d’une mission en perte de légitimité, Mme Keita aura, au contraire, cristallisé les rancunes, amplifié les fractures et achevé de ruiner ce qu’il restait de foi en la promesse onusienne de paix.
Sous sa direction, la MONUSCO, censée protéger les civils et stabiliser l’Est congolais, s’est muée en un colosse bureaucratique sans souffle ni vision, enkysté dans des routines diplomatiques et des postures velléitaires.
Loin d’incarner la neutralité, elle a donné le sentiment d’une connivence tacite avec des acteurs étatiques compromis dans des alliances obscures avec les forces génocidaires FDLR. Les populations meurtries du Kivu, de l’Ituri ou du Nord du Katanga n’ont vu, dans la MONUSCO et Mme Keita, qu’un appareil coûteux, désincarné, impuissant à enrayer les massacres, prompt à s’indigner en conférences de presse mais silencieux devant les exactions quotidiennes.
Bintou Keita aura, malgré elle, incarné la caricature des valeurs dont se targue l’Organisation des Nations unies : celles d’une diplomatie du verbe, sans prise sur le réel, où les principes se diluent dans les équilibres géopolitiques et les prudences calculées.
Sous son mandat, le discours onusien sur la paix au Congo aura atteint un degré de vacuité que même les observateurs les plus indulgents peinent à justifier. L’incapacité à prévenir les dérives des FARDC, l’inaction face aux alliances contre nature nouées avec des groupes armés responsables de crimes de masse, et la complaisance envers un pouvoir politique en quête de diversion militaire, tout cela forme le legs accablant d’une diplomatie sans courage.
Ce départ, que d’aucuns présenteront comme un simple roulement administratif, marque en réalité la faillite d’un système. Il témoigne d’une érosion profonde du sens même des opérations de maintien de la paix, devenues des instruments d’immobilisme et de compromission.
Les Nations unies, dans ce théâtre de tragédies répétées qu’est l’Est de la RDC, n’ont plus le visage de la neutralité mais celui de la résignation. Mme Keita s’en va, mais les blessures qu’elle laisse derrière elle, défiance populaire, discrédit institutionnel, désespérance morale ne seront pas aisément refermées.
En définitive, l’histoire retiendra moins le nom de celle qui dirigea la MONUSCO que le symbole d’une mission dévoyée, prisonnière de sa propre inertie. Bintou Keita sort par la petite porte, mais son départ n’efface ni le mal causé ni les torts accumulés.
Il rappelle, tragiquement, que lorsqu’une institution abdique sa responsabilité morale, elle cesse d’être un rempart pour devenir un fardeau. Et qu’à l’Est du Congo, où la douleur se conjugue à l’infini, le temps des demi-mesures et des hypocrisies diplomatiques est depuis longtemps révolu.














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