En effet, la Cour constitutionnelle, s’érigeant en juge de première et dernière instance, a prononcé à son encontre une peine de dix années de réclusion criminelle, assortie d’une privation des droits civiques pour une durée quinquennale consécutive à l’exécution de sa peine, ainsi que de la confiscation de ses biens personnels au prorata du préjudice allégué.
Ce jugement, d’une rigueur sans précédent à l’égard d’une figure politique de cette stature, interroge autant sur la véracité des griefs reprochés que sur l’opportunité politique de cette condamnation, dans un contexte où la justice semble moins guidée par les principes d’impartialité que par les impératifs d’une stratégie de disqualification systématique des voix dissidentes.
La sentence prononcée à l’encontre de l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, condamné pour détournement de fonds publics dans le cadre du projet agro-industriel de Bukanga-Lonzo, résonne moins comme un acte de justice souveraine que comme l’épilogue d’une instrumentalisation judiciaire savamment orchestrée.
Le verdict, relayé avec emphase par les officines médiatiques du pouvoir, s’apparente en réalité à une démonstration de force, destinée à frapper les esprits tout en desservant la justice de manière funeste : il s’agit moins de rendre le droit que d’en faire un bras armé de la neutralisation politique.
La posture de la Cour constitutionnelle, érigée en tribunal d’exception, interpelle par son empressement à s’ériger en juridiction compétente, balayant d’un revers de robe les immunités parlementaires de Matata Ponyo, au motif que les faits qui lui sont reprochés seraient antérieurs à son mandat actuel. Une telle précipitation, couplée à l’usage sélectif de jurisprudences ad hoc y compris issues de la défense elle-même soulève des interrogations fondamentales sur l’indépendance de l’appareil judiciaire en République démocratique du Congo. Que la Cour se prévaille d’une autorisation de poursuite antérieure pour contourner toute procédure nouvelle n’est pas en soi illégal, mais trahit une volonté manifeste de contourner les garanties procédurales pour aboutir à une condamnation expéditive.
Plus troublant encore demeure le silence assourdissant entourant les figures du régime en place, largement soupçonnées de pratiques similaires voire plus graves mais jouissant d’une impunité absolue, à la faveur de leur proximité avec le sommet de l’État. Le contraste est saisissant : à la rigueur implacable réservée aux opposants, répond la complaisance la plus indolente à l’égard des affidés du pouvoir.
Ainsi se dessine une justice à géométrie variable, où la vertu judiciaire devient un alibi commode pour disqualifier, à l’approche d’échéances électorales ou de recompositions politiques, les rivaux les plus redoutés.
Dans ce théâtre d’ombres, la République ne gagne rien ; elle s’y perd. Car lorsque le droit cesse d’être un rempart contre l’arbitraire pour devenir un instrument de domination politique, c’est le pacte républicain lui-même qui se trouve rompu. La lutte contre la corruption, pourtant impérieuse, se voit pervertie en mécanisme de règlement de comptes, dépouillée de toute légitimité éthique. En prétendant laver l’État de ses scories, on en compromet les fondations.
La condamnation de Matata Ponyo ne saurait être perçue comme une victoire de la justice sur l’impunité, tant que les barons du régime actuels, auteurs de prédations tout aussi colossales continuent de prospérer sous le manteau de la protection présidentielle.
L’histoire jugera, non seulement la véracité des faits reprochés, mais surtout la manière dont une institution censée incarner la neutralité s’est muée en auxiliaire du pouvoir exécutif. Dans un pays où les équilibres politiques demeurent fragiles, une telle dérive ne peut que nourrir la défiance civique et renforcer l’idée que, sous les dehors du droit, s’opère une vengeance politique travestie en justice républicaine.

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