En effet, ce sont des pêcheurs qui ont donné l’alerte après avoir aperçu les dépouilles coincées dans les roseaux bordant la rivière, selon les premiers témoignages.
« Tout s’est fait en silence », rapporte un villageois de Rukana. « Les soldats ont interdit à quiconque de s’approcher. Ils ont enveloppé les corps dans des bâches, puis ils sont repartis aussitôt. »
Des militaires, dépêchés sur place depuis un poste frontalier tout proche, ont rapidement sécurisé la zone, interdit l’accès aux habitants et emporté les corps sans livrer le moindre détail.
Moins de deux mois plus tôt, deux autres cadavres, cette fois vêtus d’uniformes des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), avaient été retrouvés dans la même rivière, à Rusiga, une localité voisine. À l’époque, c’est le Service national de renseignement (SNR) burundais qui avait récupéré les corps, également dans la plus grande discrétion, sans communiquer la moindre information.
Ces deux incidents, survenus à deux mois d’intervalle et impliquant des militaires de deux armées différentes, alimentent toutes sortes de spéculations dans la région.
Le cours de la Rusizi, qui marque ici la frontière naturelle entre le Burundi et la RDC, est connu pour être un passage de contrebande et de traversées clandestines. Selon des habitants, des mouvements suspects sont souvent observés la nuit, de part et d’autre de la rive.
Certains avancent l’idée que ces soldats burundais auraient pu être des miliciens ou des Imbonerakure — les jeunes affiliés au parti au pouvoir CNDD-FDD — impliqués dans des opérations en territoire congolais, avant de tenter de revenir discrètement au Burundi. D’autres, plus prudents, estiment qu’il pourrait s’agir de règlements de comptes ou d’éliminations ciblées, dans un contexte de tensions internes ou transfrontalières mal connues du grand public.
« On voit parfois des groupes qui traversent la rivière la nuit », confie un pêcheur de la zone Rukana. « Mais ces morts, personne ne nous explique pourquoi ils finissent ici. »
Des Autorités muettes
Ni les autorités locales ni les responsables militaires n’ont fourni d’éclaircissements. Le chef de zone de Rugombo assure ne pas être au courant, tandis que le commandant du 112ᵉ bataillon d’infanterie basé à Cibitoke a déclaré que « le moment n’est pas encore venu » pour communiquer.
Dans les villages riverains, la peur et l’incompréhension grandissent. Le silence officiel alimente rumeurs et soupçons sur d’éventuelles opérations secrètes, voire sur une implication de réseaux militaires ou paramilitaires opérant entre les deux pays.
« La rivière ramène des cadavres, mais personne ne dit rien. La population mérite au moins de savoir ce qui se passe chez elle », s’indigne un notable local.
Alors que la Rusizi a toujours été une artère vitale pour la pêche et l’agriculture, elle est aujourd’hui devenue un symbole d’angoisse pour les habitants de Cibitoke.

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