Derrière l’apparente adhésion aux termes de l’accord, transparaît une stratégie d’obstruction larvée, fondée sur une rhétorique de fermeté qui masque mal l’absence de volonté politique réelle. La participation de l’AFC/M23 à ces négociations représentait certes une avancée historique, en ce qu’elle actait, pour la première fois, leur reconnaissance en tant qu’interlocuteurs politiques.
Mais Kinshasa, en s’enfermant dans une posture rigide, niant à ses partenaires toute légitimité autre que celle d’une reddition inconditionnelle, transforme la table des négociations en tribune de surenchère nationaliste. Dès lors, l’élan multilatéral porté par le Qatar, les États-Unis, l’Union africaine se heurte à l’inertie stratégique d’un gouvernement qui, tout en proclamant sa volonté de paix, entretient délibérément un statu quo militarisé, propice à l’extension du chaos et à la dissimulation de ses propres carences institutionnelles.
La paix de Doha, annoncée à grand renfort de déclarations diplomatiques, risque ainsi de n’être qu’une chimère supplémentaire dans l’interminable tragédie des Grands Lacs, si le gouvernement congolais persiste à saborder, par inaction ou mauvaise foi, les fragiles acquis d’une médiation laborieuse.
Annoncées avec emphase comme un tournant majeur dans la pacification de l’Est congolais, les négociations de Doha entre le gouvernement de la République Démocratique du Congo et l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23) peinent à convaincre quant à leur sincérité et à leur faisabilité. Derrière la rhétorique des chancelleries et le ballet protocolaire des médiateurs s’esquisse un théâtre d’ombres où les intentions véritables semblent davantage dictées par le souci d’image que par une volonté effective de réconciliation.
Le point nodal de cette impasse réside dans la question du retrait des forces de l’AFC/M23. Kinshasa affirme, avec une fermeté ostentatoire, avoir obtenu un engagement de désengagement militaire qu’elle érige en condition non négociable.
Or, de leur côté, les représentants de l’AFC/M23, réfutent toute évacuation des zones sous leur contrôle. Ils insistent au contraire sur la mise en œuvre de mécanismes de gouvernance inclusive et sur la nécessité d’une décentralisation effective du pouvoir, exigences vues comme autant de garanties contre les défaillances structurelles de l’État congolais.
Ce désaccord de fond révèle une fracture conceptuelle majeure : pour Kinshasa, l’issue réside dans une reddition déguisée ; pour l’AFC/M23, dans une recomposition équitable des rapports de pouvoir.
Entre illusions de cessez-le-feu et hostilités persistantes : la paix suspendue à la parole vacillante
Malgré les déclarations optimistes diffusées par les parrains du processus, Qatar, Union africaine, États-Unis, la mise en œuvre de l’accord reste fragile, sinon illusoire. Des accrochages armés continuent d’être signalés dans les zones de Rutshuru, Masisi et Walikale, en dépit de la proclamation d’un cessez-le-feu. Loin de constituer des incidents isolés, ces violences attestent d’un climat de méfiance généralisée, alimenté par l’absence de mécanismes robustes de vérification et par le double langage de certains acteurs de Kinshasa.
Plus fondamentalement, des voix s’élèvent pour dénoncer un déficit manifeste de volonté politique à Kinshasa. Le pouvoir central semble plus enclin à instrumentaliser la rhétorique belliqueuse qu’à s’investir dans une diplomatie de compromis.
La tendance récurrente à délégitimer l’interlocuteur, à le réduire à une « force supplétive de l’étranger » ou à un résidu de rébellion, témoigne d’un refus obstiné de reconnaître la dimension politique du conflit. Cette posture idéologique, mâtinée de populisme sécuritaire, constitue une menace latente à l’égard de tout processus de paix durable.
Une paix minée par les ambivalences de Kinshasa : vers un sabotage par inertie diplomatique
Le processus de Doha s’inscrit dans le prolongement direct de l’accord tripartite États-Unis–Rwanda–RDC du 27 juin 2025, censé réactiver un multilatéralisme régional en sommeil. En y associant pour la première fois de manière officielle les représentants de l’AFC/M23, il rompt avec la logique d’exclusion qui avait dominé depuis 2021. Pourtant, cette ouverture stratégique risque d’être étouffée dans l’œuf si les signaux envoyés depuis Kinshasa ne s’inversent pas rapidement.
En effet, les échéances de fin juillet et d’août 2025 représentent bien plus qu’un simple calendrier technique : elles constituent un test de crédibilité pour un pouvoir congolais sommé de traduire ses engagements diplomatiques en actions concrètes. Or, la rhétorique actuelle, saturée d’accusations unilatérales, d’atermoiements institutionnels et de mépris latent envers les médiateurs, alimente les craintes d’un sabotage programmé. Plus grave encore, l’inaction gouvernementale quant au rétablissement effectif de l’autorité publique dans les zones libérées, notamment à Goma et Bukavu, révèle une indifférence déconcertante quant aux impératifs de justice, de réintégration et de reconstruction.
L’instabilité chronique des Grands Lacs, la résurgence des FDLR, les tiraillements internes au sein du régime congolais et les pressions contradictoires exercées par les partenaires extérieurs rendent cette paix fragile et hautement conditionnelle.
Si Kinshasa persiste dans son immobilisme stratégiquement masqué par une posture intransigeante, alors Doha ne sera qu’un accord de plus à s’échouer sur l’autel des occasions manquées.

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