La Chine à l’assaut du déclin démographique

Redigé par Tite Gatabazi
Le 28 juillet 2025 à 05:28

Face à un péril démographique désormais patent, les autorités chinoises amorcent un tournant inédit dans leur politique de population. Après des décennies marquées par une rigide planification familiale dont la tristement célèbre politique de l’enfant unique fut l’archétype, Pékin engage aujourd’hui une dynamique inverse : encourager la natalité par des incitations financières directes.

A travers l’octroi d’une allocation annuelle d’un montant de 3 600 yuans (soit environ 420 euros) par enfant de moins de trois ans, la Chine cherche désormais à infléchir la courbe descendante de sa démographie et à enrayer le vieillissement inexorable de sa population.

Ce revirement s’inscrit dans un contexte de profonde inquiétude. Selon les données officielles, la population chinoise a diminué pour la troisième année consécutive en 2024, confirmant une tendance désormais structurelle.

Si cette trajectoire devait se poursuivre, les projections des Nations unies annoncent un déclin spectaculaire : de 1,4 milliard d’habitants aujourd’hui à quelque 800 millions d’ici la fin du siècle. Une telle contraction représenterait une véritable rupture civilisationnelle, avec des conséquences considérables sur la structure économique, la soutenabilité du système de retraite, et la préservation du tissu social intergénérationnel.

Ce que la Chine paie aujourd’hui, c’est en partie l’héritage d’une politique instaurée en 1979 et abrogée seulement en 2015 : la politique de l’enfant unique. Voulue comme un rempart contre une explosion démographique perçue comme incompatible avec les objectifs de développement économique, cette mesure autoritaire a profondément modifié la structure familiale et les mentalités.

Elle a engendré un déséquilibre criant entre les sexes, nourri par une préférence culturelle pour les garçons, et a participé à un vieillissement accéléré de la population, avec un creux générationnel désormais très difficile à combler. La transition vers une politique autorisant deux enfants en 2015, puis trois en 2021, n’a pas suffi à inverser la tendance, tant le coût de la vie urbaine, les pressions professionnelles et la précarité du logement découragent les jeunes couples de fonder une famille nombreuse.

En réponse à cette crise latente, le Parti communiste chinois adopte aujourd’hui un discours résolument nataliste, en rupture avec sa doctrine antérieure. Les aides financières annoncées bien que conditionnées marquent un jalon symbolique dans cette mutation.

Présentée par la télévision d’État CCTV comme une "mesure nationale majeure visant à améliorer le bien-être de la population", cette allocation a pour ambition d’alléger le fardeau financier que représente l’éducation des enfants, dans un pays où l’accès aux soins pédiatriques, à l’éducation de qualité et au logement reste souvent élitiste et coûteux.

Mais au-delà de la simple dimension économique, la question démographique revêt une portée stratégique pour le régime chinois. Car une population vieillissante, à la fois moins productive et plus coûteuse en prestations sociales, menace à moyen terme le modèle de croissance de la deuxième puissance mondiale. Le risque est également politique : le rétrécissement de la base active pourrait fragiliser la stabilité interne, tandis que le rééquilibrage géopolitique avec l’Inde désormais plus peuplée s’en trouverait amplifié.

Dès lors, il ne s’agit pas seulement de relancer la natalité, mais de refonder un pacte social autour de la famille, en repensant les politiques de logement, de garde d’enfants, de conciliation travail-vie privée, et de statut des femmes dans la sphère professionnelle. Car tant que la maternité continuera d’être perçue comme un handicap pour l’émancipation des femmes, les injonctions natalistes même adossées à des mesures financières risquent de rester lettre morte.

La Chine entre ainsi dans une ère de tâtonnements, contrainte de déconstruire les dogmes qu’elle avait elle-même érigés, tout en affrontant l’inertie démographique héritée d’un demi-siècle de contrôle autoritaire. L’efficacité des nouvelles politiques dépendra de leur cohérence systémique et de leur capacité à reconstruire, dans un pays désormais urbanisé et individualisé, un imaginaire collectif favorable à la famille. Un défi d’autant plus ardu que la natalité ne se décrète pas, mais se cultive dans la durée, dans un climat de confiance, de stabilité et d’espérance.

Face à un péril démographique désormais patent, les autorités chinoises amorcent un tournant inédit dans leur politique de population

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité