Doha ou le crépuscule de la rhétorique belliciste

Redigé par Tite Gatabazi
Le 8 mai 2025 à 11:10

Il est des moments dans l’histoire diplomatique des nations où le simple fait de s’asseoir devient en soi un acte de rupture, un geste politique d’une portée symbolique telle qu’il relègue à l’arrière-plan les velléités anciennes, les rancunes accumulées, les fictions commodes du discours d’État.

La rencontre, improbable encore hier, entre les chefs d’État rwandais et congolais, impulsée sous les auspices des pourparlers de Doha, constitue à ce titre un tournant silencieux mais décisif dans la trajectoire tourmentée des Grands Lacs.

Dans cette agora patiemment édifiée sur la diplomatie du possible, les délégations de l’AFC/M23 et du gouvernement congolais, longtemps figées dans un antagonisme radical, ont consenti à se dire les vérités qui dérangent, à explorer ensemble les strates profondes et structurelles d’un conflit qui, depuis des décennies, échappe aux grilles simplistes du manichéisme.

Car Doha, loin d’être un simple théâtre de conciliabules, s’est imposée comme un espace de déconstruction : celui du discours victimaire de Kinshasa, où l’AFC/M23 était encore récemment réduite à une entité fantasmée, amalgamée au terrorisme, au mépris des dynamiques internes et des griefs légitimes qui sous-tendent son existence.

La vertu première de Doha réside ainsi dans sa capacité à desserrer l’étau d’une rhétorique belliqueuse, à substituer au langage martial une lexicographie du dialogue. En cela, même en l’absence d’accords tangibles à ce stade, Doha remporte une victoire indéniable, une victoire symbolique, certes, mais d’autant plus précieuse qu’elle désamorce l’intransigeance narrative, qu’elle oblige à penser l’autre non plus comme ennemi ontologique, mais comme acteur d’un drame collectif, co-responsable et donc co-susceptible d’ouvrir les chemins d’une paix durable.

Que l’on s’en réjouisse ou que l’on s’en offusque, il faut reconnaître à ces pourparlers la vertu rare d’avoir inversé le prisme.

Ce n’est plus la paix qui se quémande à coups de pressions extérieures ou de déclarations de principes désincarnées, c’est désormais le conflit qui doit s’expliquer, se justifier, se déconstruire devant des interlocuteurs prêts à en interroger les causes au-delà des narratifs officiels.

C’est là une révolution silencieuse dans l’art diplomatique du Qatar, et une lueur dans l’obscurité endémique qui accable l’Est de la RDC.

La vertu première de Doha réside ainsi dans sa capacité à desserrer l’étau d’une rhétorique belliqueuse

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