Ramaphosa et le dialogue national en Afrique du Sud

Redigé par Tite Gatabazi
Le 18 août 2025 à 01:38

L’Afrique du Sud s’est engagée, sous l’égide du président Cyril Ramaphosa, dans ce qui est présenté comme un « dialogue national », vaste exercice censé sonder les plaies les plus profondes qui minent le pays et esquisser les voies d’une guérison politique, sociale et morale.

L’initiative se veut un espace inclusif où partis politiques, organisations de la société civile et représentants des institutions publiques viendraient confronter leurs diagnostics et leurs propositions. Elle doit se déployer en plusieurs étapes, parcourant les neuf provinces de la nation arc-en-ciel, comme une longue liturgie civique où chacun serait convié à prendre la parole.

Mais derrière la rhétorique consensuelle, une suspicion tenace s’impose déjà : celle d’une opération politique coûteuse, 40 millions de dollars, que l’ANC, en perte de vitesse et aux abois, instrumentaliserait comme une tribune électorale en prévision des scrutins locaux de l’an prochain.

L’opposition, menée par l’Alliance démocratique, n’a pas tardé à dénoncer cette entreprise, accusant le parti au pouvoir de vouloir contrôler la conversation et de la transformer en rituel d’autolégitimation.

Car, plus de trente ans après la chute de l’apartheid, l’Afrique du Sud n’a jamais paru aussi éloignée de l’idéal moral et politique qui avait naguère fait sa grandeur. L’héritage de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki, fondé sur la réconciliation, l’exemplarité éthique et l’autorité diplomatique, a été dilapidé par une décennie de gouvernance marquée du sceau du cynisme et de la prédation. Jacob Zuma, d’abord, a méthodiquement fragilisé l’État par la « capture institutionnelle », érigeant la corruption en mode de gouvernement et réduisant l’ANC à une machine clientéliste.

Cyril Ramaphosa, ensuite, qui devait incarner le sursaut, s’est enlisé dans l’immobilisme et les compromis opaques, laissant prospérer la pauvreté, l’inégalité, la criminalité endémique et un chômage qui dépasse les 30 %, l’un des plus élevés au monde.

Ainsi, le parti de Mandela s’est peu à peu défait de son essence : jadis incarnation d’un idéal de justice et de dignité, il n’apparaît plus aujourd’hui que comme une structure usée, minée par ses factions et réduite à défendre sa survie électorale. La conséquence est double : sur le plan intérieur, l’ANC a perdu la confiance morale des masses qu’il prétendait émanciper ; sur le plan extérieur, l’Afrique du Sud a vu s’éroder son prestige diplomatique.

Autrefois porte-voix respecté du continent et arbitre naturel au sein de la SADC, Pretoria est désormais inaudible, engluée dans ses propres crises et incapable de projeter une vision cohérente à l’échelle africaine.

Ce dialogue national, aussi solennel soit-il, apparaît dès lors comme une tentative désespérée de réhabiliter une crédibilité perdue, alors même que l’autorité morale de l’ANC semble irrémédiablement compromise. Car un parti qui a trahi l’héritage de Mandela et dilapidé l’œuvre de Mbeki peut difficilement se poser en guide vers une renaissance nationale. À moins que, dans un sursaut inespéré, cette grand-messe ne débouche sur une véritable catharsis, et non sur une nouvelle mise en scène politicienne.

L’Afrique du Sud s’est engagée, sous l’égide du président Cyril Ramaphosa, dans ce qui est présenté comme un « dialogue national »

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