Le président français, désormais davantage tourné vers la scène internationale, espère marquer l’histoire en inscrivant son nom dans la lignée d’une certaine tradition universaliste de la diplomatie française, en affichant le courage symbolique d’un geste qui ferait de la France le premier membre permanent du Conseil de sécurité à franchir le pas.
Mais derrière le faste d’un discours attendu à la tribune new-yorkaise des Nations unies, les embûches demeurent considérables : la dépendance à l’égard de Washington, l’intransigeance américaine dans son soutien à Israël, et l’imprévisibilité de Donald Trump, dont l’aval conditionnerait en partie l’écho réel de l’initiative française.
Pour saisir la portée de cette manœuvre, il faut la replacer dans la longue histoire de la politique moyen-orientale de la France, marquée par des postures successivement équilibrées et dévoyées.
Le Général de Gaulle avait su, après la guerre des Six Jours de 1967, poser les bases d’une doctrine d’équilibre et d’indépendance : dénonçant l’expansionnisme israélien tout en réaffirmant la sécurité du peuple juif, il inscrivit la France dans une position singulière, à la fois solidaire des aspirations arabes et attentive aux impératifs de stabilité régionale.
Jacques Chirac, dans le sillage gaullien, incarna à son tour cette ligne d’équilibriste, notamment lors de son célèbre affrontement verbal avec les forces israéliennes à Jérusalem en 1996, geste symbolique qui lui valut l’estime durable du monde arabe.
Mais cette tradition, patiemment construite sur une équidistance respectée, fut brutalement ébranlée par la présidence de Nicolas Sarkozy. Rompant avec les subtilités héritées de ses prédécesseurs, il réaligna la diplomatie française sur une proximité affichée avec Tel-Aviv et Washington, bouleversant ainsi l’architecture patiemment édifiée d’une parole française audible au Proche-Orient.
Ses successeurs immédiats, de François Hollande à Emmanuel Macron, oscillèrent alors entre des tentatives de rééquilibrage et des élans de solidarité trop marqués envers Israël, au gré des crises, des attentats et des recompositions régionales.
C’est dans ce cadre historique que s’inscrit la tentative macronienne : réhabiliter, par le geste spectaculaire d’une reconnaissance, une parole française que l’on disait affaiblie et incertaine. Pourtant, en dépit de ses ambitions, le président de la République se heurte aux mêmes contraintes structurelles qui pesèrent sur ses prédécesseurs récents : une influence réduite au Levant, un rapport de force asymétrique dominé par Washington, et une diplomatie régionale désormais éclatée entre les vestiges du processus d’Oslo et les nouvelles dynamiques des accords d’Abraham.
En somme, l’« irréversibilité » que proclame Emmanuel Macron risque de n’être qu’une affirmation de volonté, si elle ne s’accompagne pas d’une recomposition des équilibres géopolitiques mondiaux recomposition sur laquelle la France, affaiblie, n’a qu’une prise limitée.

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