La Monusco ou la faillite d’une mission et la trahison d’un mandat

Redigé par Tite Gatabazi
Le 14 avril 2025 à 02:35

Parmi les tragédies silencieuses qui endeuillent l’Afrique contemporaine, celle de la République Démocratique du Congo demeure l’une des plus longues et des plus meurtrières.

Depuis des décennies, ce pays aux ressources incommensurables ploie sous le poids des conflits armés, des déplacements forcés et des violences systémiques. Face à ce chaos durable, la communauté internationale, par l’entremise des Nations Unies, avait prétendu incarner l’espoir. La MONUSCO devait être cet acteur neutre, impartial et protecteur, garant du droit international humanitaire et de la dignité des populations civiles.

Mais aujourd’hui, force est de reconnaître, avec gravité et lucidité, que la mission onusienne en République Démocratique du Congo a dramatiquement failli à ses engagements les plus solennels. Le mandat qui lui avait été confié celui d’assurer la protection des civils, de prévenir les violations graves des droits de l’homme et de garantir la neutralité dans un contexte de guerre asymétrique a été progressivement vidé de sa substance, trahi dans ses principes et perverti dans sa mise en œuvre.

La MONUSCO, loin de demeurer ce rempart moral et juridique contre la brutalité des conflits armés, s’est abîmée dans une gestion bureaucratique, aveugle aux drames qu’elle devait endiguer et sourde aux cris des victimes qu’elle prétendait défendre.

Pire encore, cette mission, censée incarner la conscience universelle face aux tragédies humaines, s’est rendue complice, par son silence prolongé, ses complaisances calculées et ses omissions volontaires, d’un système de prédation, de violences systémiques et de violations impunies.

En choisissant délibérément de ne pas dénoncer les exactions commises par des acteurs étatiques et para-étatiques qu’elle côtoie et parfois protège, la MONUSCO s’est compromise dans un engrenage de compromissions qui ruine non seulement sa crédibilité opérationnelle, mais aussi son autorité morale.

Cette déchéance constitue l’une des plus grandes disqualifications éthiques qu’ait connues le système onusien dans ses engagements de maintien de la paix, et appelle à une remise en question profonde de son rôle, de son utilité et de sa légitimité dans l’espace congolais.

Plutôt que de jouer son rôle d’outil d’information objective et de contre-pouvoir face aux récits mensongers du gouvernement congolais et ses relais, elle s’est muée en chambre d’écho d’une propagande insidieuse, occultant sciemment les crimes perpétrés par les FARDC, les FDLR et les wazalendo, appuyés par des réseaux politico-militaires tels que le SAMIDRC.

Cette désinformation orchestrée ne constitue pas une simple erreur éditoriale : elle relève du discours dangereux, au sens du droit international, en alimentant un climat de haine et de division, et en désignant implicitement des cibles à la vindicte armée.

Ce silence est une complicité. Car refuser de dénoncer, c’est choisir un camp. Et la MONUSCO, en s’abstenant d’assumer sa responsabilité d’alerte et de protection, s’est rangée du côté des oppresseurs.

En hébergeant au sein de ses installations à Goma des éléments des FARDC, des FDLR et des wazalendo directement impliqués dans des atrocités documentées, elle a violé de manière manifeste le principe de neutralité qui fonde les opérations de maintien de la paix.

Ce choix délibéré, sous couvert de considérations sécuritaires ou diplomatiques, a transformé des enceintes censées être des sanctuaires pour les civils en refuges pour des bourreaux.

La MONUSCO engage ainsi sa responsabilité morale et politique devant le peuple congolais et devant l’histoire. Car les textes qui régissent les missions onusiennes ne sont pas de simples déclarations de principe : ce sont des obligations contraignantes, inscrites dans la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire et les multiples résolutions adoptées au nom de la protection des droits fondamentaux.

En bafouant ces engagements, la mission onusienne sape non seulement sa propre crédibilité, mais elle affaiblit l’autorité morale de toute la communauté internationale.

Ce discrédit est aujourd’hui total. La MONUSCO, incapable de prévenir les massacres, complice par inertie des violations graves et silencieuse face aux dérives de ses partenaires armés, est perçue par les Congolais non plus comme un rempart, mais comme un acteur ambigu, préoccupé davantage par la préservation de ses intérêts institutionnels que par le salut des populations qu’elle prétend protéger.

Ce réquisitoire s’impose. Car persister à taire cette faillite serait se rendre complice, à notre tour, de ce naufrage éthique et politique. Il devient impératif que les Nations Unies tirent les enseignements de cet échec patent et procèdent soit à une révision radicale du mandat et du fonctionnement de la MONUSCO, soit à son retrait pur et simple.

Car maintenir une mission qui trahit son mandat revient à insulter les victimes et à prolonger l’agonie d’un peuple meurtri.

La République Démocratique du Congo mérite mieux qu’une communauté internationale indifférente et des discours creux. Elle mérite justice, vérité et protection effective. Et ce combat passe par la dénonciation sans réserve des complicités silencieuses et des impostures institutionnalisées.

Bintou Keita, cheffe de la MONUSCO

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