Le Drian et la révérende Coleman : Prêcheurs machetocrates

Redigé par Tom Ndahiro
Le 15 décembre 2025 à 12:29

Parfois, l’histoire vous offre des révélations avec la subtilité d’un coup de tonnerre. On ne les cherche pas ; elles se manifestent comme une plaie biblique. C’est exactement ce que j’ai ressenti. Alors que j’étais encore en train d’analyser le pamphlet du 10 décembre de Jean-François Le Drian, le prophète auto-proclamé de la rédemption des génocidaires français, un autre miracle machetocratique est tombé sur ma timeline.

Il est arrivé, de tous les endroits possibles, des États-Unis, emballé comme un cadeau sous l’autorité divine contrefaite, collerette ecclésiastique et le fanatisme exaltant d’une prophétesse auto-proclamée de la haine. Son nom ? Une Rwandaise-Américaine : la révérende Christine Coleman.

Le Drian m’avait déjà offert le premier «  Eureka  », ce genre de moment qui fait sentir à un chercheur que l’univers a gentiment confirmé une hypothèse avec une rapidité inattendue. Mais Coleman ? Elle a offert la seconde surprise, en or, un coup de génie de l’illogisme machetocratique, si pur et si direct. On ne peut que s’émerveiller de la facilité avec laquelle la haine se reconditionne en langage religieux.

L’orchestre de la haine

Le 11 décembre 2025, la révérende Coleman, née au Rwanda et fièrement machetocrate, publia une déclaration publique sur X qui s’harmonisait si parfaitement avec celle de Le Drian qu’on aurait cru à une orchestration. Si Le Drian avait joué de la grosse caisse du déni français la veille, Coleman est venue frapper les cymbales aiguës, bruyante de fureur évangélique.

Son message s’ouvrait sur un cri écrit en lettres capitales, comme si elle hurlait à l’aveugle :

«  NOUS VOUS AVIONS DIT QU’IL N’AVAIT PAS ARRÊTÉ LE GÉNOCIDE DE 1994 AU RWANDA MAIS QU’IL L’AVAIT COMMENCÉ ! VOUS AVEZ MAINTENANT DES PREUVES ! UNE ENQUÊTE INDÉPENDANTE EST NÉCESSAIRE !  »

Nous y voilà : le refrain machetocratique. Le «  nous  », bien entendu, désigne les disciples des récits du Hutu Power, et le «  il  » n’est autre que le président Paul Kagame, l’homme dont l’armée a mis fin au génocide qu’ils auraient voulu voir triompher. Leur haine est si fanatique, si cosmologiquement inversée, qu’ils se sont convaincus que le pompier a allumé l’incendie, qu’il a sauvé des enfants des flammes qu’il aurait lui-même déclenchées, puis accusé les véritables incendiaires d’avoir interrompu son œuvre. Ce n’est pas une simple inversion historique ; c’est une opération de gaslighting spirituel à l’échelle industrielle.

Elle a aussitôt surenchéri, entraînant la géographie dans le délire :

«  L’invasion du Rwanda de Kagame en RDC, l’occupation de Goma, Bukavu et maintenant Uvira prouvent que ce Kagame n’a pas arrêté le génocide de 1994, mais qu’il a stoppé ce qu’il avait lui-même commencé !  »

Son raisonnement, si l’on ose employer ce terme, avance avec l’élégance d’un ivrogne dévalant un escalier. D’une manière ou d’une autre, la présence de groupes rebelles congolais à Uvira, en 2025, devient une preuve rétroactive que Kagame aurait planifié l’assassinat de Habyarimana, déclenché le génocide, ne l’aurait arrêté que pour la galerie, et offrirait aujourd’hui un rappel sanglant de son spectacle de l’autre côté de la frontière.

Dans cet univers machetocratique, la logique ne survit pas : elle est étouffée par l’idéologie bien avant de voir la lumière du jour. Ce qui rend le message de Coleman particulièrement frappant, ce n’est pas tant son contenu que sa mise en scène, car les négationnistes et idéologues machetocrates recyclent ces poisons depuis des décennies.

Le langage de Mme Coleman reflète celui de Le Drian non par coïncidence, mais par cosmologie. Tous deux opèrent à partir du même script idéologique : délégitimer Kagame, diaboliser les Tutsi, mystifier l’opinion mondiale et instrumentaliser l’ignorance occidentale. Tous deux parlent avec l’arrogance de ceux qui sont convaincus que les Américains se manipulent aisément, que les publics occidentaux sont incapables de distinguer les faits des phantasmes politiques, et que les réseaux sociaux constituent une chaire depuis laquelle des évangiles machetocratiques peuvent être prêchés à des oreilles naïves.

Ce qui sidère n’est pas l’existence de ces deux individus, mais le fait qu’ils se soient exprimés à vingt-quatre heures d’intervalle, sur deux continents, dans une coordination et une harmonie parfaites, comme si leur chœur machetocratique avait programmé une répétition mondiale. Leurs voix, unies par la haine, portaient la même mélodie : Kagame serait la cause du génocide ; les Tutsi seraient des envahisseurs ; le monde devrait être «  rééduqué  » ; la vérité devrait être renversée pour que les véritables génocidaires sombrent dans l’oubli.

Il ne s’agit certainement pas d’une coïncidence. Il s’agit d’une harmonisation idéologique parfaite. Et c’est un avertissement clair : méfiez-vous des machetocrates déguisés en intellectuels, en activistes ou en politiciens d’opposition de contrefaçon. Méfiez-vous des clercs qui instrumentalisent Dieu pour sacraliser une idéologie criminelle et son déni. Méfiez-vous des complotistes qui prennent le monde pour aussi crédule qu’ils l’espèrent et le souhaitent.

Deux continents, deux prophètes autoproclamés de la délusion politique, deux mégaphones du délire machetocratique, mais un seul message, un seul rythme, une seule circulation idéologique. Le Drian à Paris et la révérende Coleman aux États-Unis ne parlaient pas simplement à l’unisson ; ils exécutaient un duo négationniste, une liturgie transatlantique de la tromperie.

Et si le monde n’y prête pas une attention suffisante, leur symphonie de gaslighting se diffusera avec la facilité d’une contagion et l’assurance d’un mensonge répété assez fort pour prendre l’apparence d’une révélation.

Leur chorégraphie rhétorique révèle quelque chose de bien plus dangereux qu’une propagande classique. Elle met à nu une vision du monde dans laquelle la vérité n’est ni une vertu ni une discipline, mais un obstacle, et où le génocide, un génocide réel, documenté, jugé, est traité comme une argile malléable que des sculpteurs idéologiques peuvent remodeler à leur guise.

Leurs propos ne se contentent pas de falsifier l’histoire ; ils la détruisent. Ils l’arrachent à ses fondations pour la reconstruire en un monument grotesque glorifiant les auteurs du génocide et condamnant ceux qui ont sauvé des vies.

L’indécence de leur discours devient d’autant plus troublante qu’elle repose sur une hypothèse partagée, jamais formulée explicitement, mais révélée par le ton, les procédés et l’arrogance. Tous deux semblent convaincus que les Américains sont suffisamment faciles à duper pour avaler n’importe quoi.

Le Drian écrit comme si le président des États-Unis était un enfant naïf ayant besoin de leçons françaises. Coleman prêche une haine à nu comme si les Américains étaient des nourrissons spirituels attendant que son évangile machetocratique vienne éclairer leurs ténèbres. Voici deux individus sûrs d’eux, incapables de distinguer le fait de la fiction, qui s’érigent pourtant en éducateurs de la plus grande démocratie du monde.

Le masque numérique du négationnisme du génocide contre les Tutsi

Au XXIᵉ siècle, les discours de haine en ligne se présentent rarement comme tels. Ils se déploient sous les atours de la vertu, de l’urgence morale, de la défense des droits humains ou de la conviction divine. Ils parlent à voix feutrée, revendiquent une autorité éthique et se donnent pour de courageuses entreprises de dévoilement de la «  vérité  ».

Cette évolution n’a rien de fortuit ; elle est stratégique. Les messages publiés sur X par Jean‑François Le Drian et la révérende Christine Coleman ne sont ni des dérapages isolés ni de simples opinions politiques malheureuses. Ils constituent des manifestations contemporaines d’un virus idéologique vieux de plusieurs décennies : l’idéologie génocidaire adaptée aux circuits numériques.

Ce qui nécessitait autrefois des magazines comme Kangura, des émissions comme RTLM ou l’incitation de figures telles que Ferdinand Nahimana, Léon Mugesera et Hassan Ngeze circule désormais sans encombre à travers les timelines, les chaînes YouTube et les réseaux cryptés. Le vocabulaire s’est adouci, mais l’objectif reste inchangé. Le négationnisme du génocide n’apparaît plus de manière directe : il opère par repositionnement linguistique, imprécision stratégique et inversion morale. La responsabilité se brouille : les auteurs sont réhabilités, les sauveteurs criminalisés et les victimes progressivement expulsées de leur propre histoire.

Le message de Jean‑François Le Drian au président Donald Trump illustre cette transformation avec une clarté inquiétante. N’agissant pas depuis une fonction étatique mais depuis l’écosystème idéologique des polémiques en ligne, il avance un récit familier sous couvert de révélation morale.

Son insistance sur le fait qu’il s’agit d’un «  secret de polichinelle  », l’homme qui a mené la lutte militaire pour arrêter le génocide l’aurait en réalité déclenché, n’est pas un argument innocent, mais une justification recyclée. C’est l’alibi central des génocidaires. Cette fois, réintroduit non plus avec des machettes, mais avec une rhétorique raffinée et une fausse sollicitude pour la justice.

Le message de Christine Coleman suit le même script idéologique, bien que transmis depuis une chaire plutôt que depuis un simple clavier. Sa rhétorique fusionne politique, prophétie et certitude, réduisant des réalités historiques complexes à des prononcés théologiques absolus. Lorsque le négationnisme du génocide est prêché plutôt que débattu, il acquiert une immunité contre l’examen critique. La foi cesse d’être un refuge pour la conscience et devient un bouclier pour la haine.

L’invocation de Dieu par la révérende Coleman n’est pas de la piété ; c’est un alibi. Elle s’exprime comme si le ciel était co-auteur de l’idéologie génocidaire, comme si le Tout-Puissant lui-même s’était connecté à X pour approuver ces récits machetocratiques. Dieu n’est pas convoqué pour pleurer et consoler les victimes, mais pour blanchir les mensonges, baptiser la haine et offrir une couverture divine à des complices dépourvus de preuves mais sûrs de leur certitude.

Le crime le plus effroyable de cette femme malveillante n’est pas le négationnisme, mais la conscription de Dieu dans l’apologie du génocide. Dans ses sermons par tweet, le Tout-Puissant est reconfiguré en complice forensique, délivrant une «  preuve  » céleste pour absoudre les meurtriers et accabler ceux qui les ont arrêtés. Il ne s’agit pas de foi, mais de blasphème déguisé en droiture. Lorsqu’on enrôle Dieu dans le révisionnisme machetocratique, le génocide n’est pas seulement nié, il est béni à nouveau.

Ce qui rend les messages de ces deux personnes particulièrement dangereux, c’est l’hypothèse partagée qu’elles font de leur audience. Elles supposent une crédulité mondiale. Elles misent sur la courte mémoire historique du public, sur une perception racialiste des conflits africains, sur la superficialité des médias et sur un environnement numérique qui récompense la provocation plus que la précision.

Elles partent du principe que beaucoup de lecteurs ne peuvent pas, ou ne veulent pas, distinguer entre une critique légitime des gouvernements et la réhabilitation subtile des récits des génocidaires. Il s’agit d’une manipulation calibrée pour l’ère algorithmique.

Tout aussi révélateur est le rejet désinvolte, par ceux qui reprennent la rhétorique du président Félix Tshisekedi, de la question de la collaboration avec le FDLR comme une préoccupation marginale ou sans importance. On est invité à croire qu’un groupe armé internationalement connu pour son idéologie génocidaire peut être toléré, associé ou stratégiquement ignoré sans conséquence morale.

Cela ne relève pas de l’analyse, mais de la suspension idéologique de l’incrédulité. Au Conseil de sécurité des Nations Unies, l’idéologie génocidaire devient invisible lorsqu’il est politiquement gênant de la reconnaître.

Ces positions ne sont pas naïves. Elles sont idéologiques. Elles reposent sur l’éradication systématique des Tutsi congolais en tant que sujets politiques légitimes et sur la régularisation d’une vision du monde héritée directement de l’univers idéologique du FDLR. Dans ce cadre, certains citoyens sont définitivement étrangers, certaines doléances définitivement interdites, et certaines vies définitivement négociables. Les discours de haine numériques n’inventent pas ces hiérarchies ; ils les amplifient et les modernisent.

Le danger le plus insidieux ne réside pas seulement dans ce que ces messages affirment, mais dans ce qu’ils accomplissent. Ils participent à la continuation symbolique du génocide : l’altération progressive de la mémoire, si complète que la responsabilité morale et pénale finit par se dissoudre.

Lorsque le passé est réécrit de manière suffisamment convaincante, les auteurs n’ont plus besoin d’armes. Les mots suffisent. Les fausses accusations remplacent la responsabilité. Ainsi, la confusion se substitue à la justice.

Des plateformes comme X fonctionnent comme des accélérateurs de cette mutation idéologique. Ce qui circulait autrefois au sein de cercles extrémistes comme le CDR, le RDR, le FDU-INKINGI ou le FDLR atteint désormais rapidement un public mondial, amplifié par des algorithmes favorisant l’engagement et par l’assurance performative de ceux qui parlent ou écrivent comme si la révélation était enfin arrivée. C’est ainsi que le négationnisme du génocide évolue : non pas plus fort, mais plus net. Non pas plus grossier, mais plus respectable.

C’est pourquoi ces récits doivent être affrontés avec lucidité plutôt qu’avec indignation. Le danger ne réside pas dans le désaccord ; il réside dans la tromperie enveloppée de droiture. Lorsque la haine apprend à parler le langage de la morale, elle devient plus difficile à détecter et plus facile à absorber. Et lorsque de tels récits restent sans réponse, le silence cesse d’être neutralité, il devient complicité.

Les enjeux ne pourraient être plus élevés. X, qui était censé être une plateforme d’opinion, est devenu une arène contestée où la mémoire, la responsabilité et la vérité sont activement négociées. Lorsque des idéologues se déguisent en témoins moraux ou en prêcheurs de foi, ils ne se contentent pas de tromper : ils préparent le terrain pour de futures violences en effaçant la clarté morale du passé.

Le négationnisme numérique du génocide est une réalité. Il est adaptatif, patient et persuasif. Le reconnaître n’est plus facultatif. C’est un impératif intellectuel, moral et historique. Ne pas défier ces distorsions de front, c’est courir le risque de répéter la leçon la plus tragique : le génocide ne commence pas toujours par des machettes, mais par des mots, et par la volonté du monde de les croire.

Un avertissement

L’excès de confiance de Le Drian et de la révérende C. Coleman n’est pas simplement insultant ; c’est un symptôme diagnostique de l’extrémisme idéologique. Tous deux croient que, s’ils crient assez fort, qu’ils enveloppent leurs mensonges dans un langage scripturaire ou une urgence diplomatique, les Américains se rangeront docilement comme des fidèles assistant à une réunion de réveil de l’amnésie historique.

C’est pourquoi leurs manipulations importent. Car lorsque Le Drian dit aux Américains que Kagame est le «  méchant du secret de polichinelle  », et lorsque Coleman affirme que Dieu lui-même a fourni des «  preuves  », ils ne sont pas seulement trompeurs. Ils passent un test. Ils vérifient jusqu’où ils peuvent pousser le monde dans le trou le plus profond de l’irréalité, et combien les suivront dans les ténèbres, croyant être guidés par des prophètes plutôt que par des propagandistes de la haine.

Le danger ne réside pas dans le fait que ces individus parlent ou écrivent, le danger réside dans le fait que leur vocabulaire machetocratique est enveloppé dans le langage de la diplomatie et de la divinité, le rendant séduisant pour un esprit inexpérimenté. Résultats finaux ? La manipulation politique devient révélation spirituelle ; la révision historique devient croisade morale ; le racisme devient conseil de sécurité nationale. C’est ainsi que les atrocités sont justifiées. C’est ainsi que les graines de la violence future sont semées, silencieusement, numériquement et de manière algorithmique.

Alors, que le monde en prenne note : lorsque les négationnistes prêchent en synchronisation à travers les océans, ce n’est pas un accident. C’est une coordination par la haine. Et à moins que nous ne confrontions leurs manipulations avec une clarté inébranlable, la prochaine personne trompée ne sera pas un décideur à Washington, un membre du Conseil de sécurité de l’ONU à New York ou un pasteur au Texas. Ce sera le monde lui-même.

Le langage de Mme Coleman reflète celui de Le Drian non par coïncidence, mais par cosmologie

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