Ce jour-là, devant la Haute Cour, s’ouvrait le procès du maréchal Philippe Pétain, ancien héros de Verdun devenu, dans l’abdication des principes, le chef déclinant d’un régime qui pactisa avec l’ennemi.
Pétain, silhouette figée par l’âge, mais dont l’ombre pesait lourd sur la mémoire nationale, incarnait plus que la faillite d’un homme : il symbolisait une doctrine du renoncement, une capitulation morale présentée comme raison d’État. Si les décennies qui ont suivi n’ont cessé de discuter la part de responsabilité individuelle et les circonstances d’exception, le fait demeure : le régime de Vichy fut une construction autoritaire, collaborationniste, antisémite, qui mit les institutions françaises au service de l’occupant nazi.
Et en son sommet siégeait Pétain, figure tutélaire d’un pouvoir ayant troqué la liberté contre une illusoire paix intérieure.
En acceptant, en juillet 1940, les pleins pouvoirs que lui déléguait une Assemblée déliquescente, Pétain n’a pas seulement rompu avec la République ; il a légitimé la défaite, sacralisé la soumission et travesti la honte en vertu politique.
A rebours de l’esprit de résistance qui, dans l’ombre, se frayait déjà un chemin dans les consciences, il érigeait la défaite en fondement d’un nouvel ordre, où l’exclusion, la délation et l’obéissance aveugle tiendraient lieu de programme.
Quatre années plus tard, dans une France libérée mais encore meurtrie, la comparution du maréchal devant ses juges fut une nécessité historique, non une vengeance. Il s’agissait, pour une République renaissante, de réaffirmer que la trahison des valeurs fondatrices, liberté, égalité, fraternité, ne pouvait rester impunie. Ce procès fut un acte de salut public, une tentative de reconquête morale autant que juridique, une manière de dire que l’Histoire ne saurait se plier à l’argument de la résignation.
Aujourd’hui encore, à l’heure où resurgissent les nostalgies autoritaires et les tentations du repli, il importe de se souvenir que le renoncement aux principes, fût-il habillé des atours de la prudence ou de la préservation nationale, porte en lui les germes du pire.
Le procès de Pétain n’est pas qu’un épisode clos de notre mémoire judiciaire ; il est un repère, un signal d’alerte, une mise en garde contre la banalisation du compromis moral lorsqu’il se fait aux dépens de l’humanité.
Le discours prononcé par Jacques Chirac le 16 juillet 1995 au Vélodrome d’Hiver demeure l’un des moments les plus solennels de l’histoire contemporaine de la République française.
En rompant avec le silence ambigu et la posture dédouanante adoptée jusqu’alors par ses prédécesseurs, le président de la République reconnaissait, avec gravité et lucidité, la responsabilité directe de l’État français dans l’arrestation, la déportation et, in fine, l’extermination de milliers de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.
Il affirmait sans détour que la rafle du Vel’ d’Hiv, orchestrée en juillet 1942, avait été exécutée non par l’occupant allemand seul, mais avec la collaboration active de la police française, agissant au nom d’un pouvoir légal mais moralement illégitime. Par cette déclaration, Chirac brisait un tabou mémoriel tenace, mettant fin à des décennies d’évitement institutionnel, et engageait la France sur la voie d’une reconnaissance assumée de ses responsabilités dans la tragédie de la Shoah.
Ce geste, hautement symbolique, marqua une étape décisive dans l’élaboration d’une mémoire nationale plus honnête, affranchie des dénis et des fictions commodes.

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