Elle ravive, dans l’espace public congolais, les relents d’un vieux fond idéologique : celui de l’altérisation systématique du Tutsi congolais, éternel suspect, assigné à l’étrangereté. Cette construction d’un "autre intérieur", dont la loyauté serait par nature suspecte, alimente une xénophobie latente qui, sous prétexte de rejeter les exactions de la rébellion du M23, finit par essentialiser une communauté entière, en la réduisant à une cinquième colonne.
Ethnicisme d’État et pulsion d’exclusion : les pièges du nationalisme toxique
Le rejet du M23, s’il peut nourrir des condamnations politiques et sécuritaires, ne saurait en aucune manière justifier le glissement pernicieux vers un discours de haine ethnique. Assimiler le tutsi congolais à un "infiltré", un "traitre" ou un "ennemi intérieur", c’est céder à une logique d’épuration symbolique dont l’histoire du continent a déjà démontré les ravages.
Lorsque l’opinion publique est méthodiquement travaillée pour ériger l’identité ethnique en critère de légitimité nationale, lorsque la citoyenneté devient conditionnée par l’apparence, le nom ou l’origine perçue, c’est le socle même de l’État-nation qui vacille. Le patriotisme devient alors le masque grotesque d’une haine assumée, et l’État se fait le complice muet, voire l’architecte tacite, de l’exclusion.
L’imaginaire collectif contaminé : de la mémoire du conflit à la fabrication de l’ennemi
Dans l’imaginaire collectif, soigneusement façonné par des décennies de récits partiaux, de mémoires sélectives et de discours idéologiques, le tutsi congolais reste figé dans une posture d’extériorité. Il n’est plus un citoyen, mais une menace diffuse, un héritier supposé des tragédies régionales, un corps étranger au sein de la nation.
Cette perception, nourrie par l’ignorance, par la manipulation politique et par une mémoire du conflit volontairement instrumentalisée, est aujourd’hui activée à des fins de mobilisation émotionnelle. Le risque est immense : faire basculer un malaise politique en crise identitaire, une contestation armée en épuration morale, un affrontement militaire en persécution collective.
L’heure est grave. Opposer une résistance politique ou militaire au M23 ne saurait se faire au prix de l’anéantissement moral du tissu national. Il en va de la dignité des institutions, de la sauvegarde du vivre-ensemble et de la préservation d’une République qui, si elle veut être démocratique, ne peut tolérer que certains de ses enfants soient désignés à la vindicte populaire pour ce qu’ils sont, et non pour ce qu’ils font.

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