Le désenchantement politique des gouvernements Suminwa

Redigé par Tite Gatabazi
Le 1er septembre 2025 à 02:46

Au sortir du premier mandat de Félix Tshisekedi, l’opinion congolaise se trouvait saisie d’un souffle inédit d’espérance. Pour la première fois depuis l’avènement du pluralisme démocratique, un président de la République pouvait se prévaloir de réformes d’une ampleur sans précédent : quadruplement du budget national, adoption d’une loi de programmation militaire attendue depuis des décennies, instauration de la gratuité de l’enseignement primaire, lancement d’une couverture santé universelle balbutiante mais prometteuse, et, fait historique, organisation des premières élections locales depuis la Constitution de 2006.

C’est donc sous le signe de la continuité et de la consolidation des acquis que s’ouvrit le second mandat, incarné par le gouvernement de l’Union sacrée, dirigé par Judith Suminwa.

Mais les illusions initiales se sont rapidement heurtées à une réalité désenchantée : l’action gouvernementale se révèle fragmentée, hésitante et minée par des rivalités internes, au point de dénaturer ou d’enterrer les réformes structurantes voulues par le président de la République.

Présenté comme la vitrine de la modernisation urbaine, le projet Métrokin, 300 km de voies ferrées pour révolutionner la mobilité kinoise s’est enlisé dès ses premiers pas. Plutôt que d’amorcer ce chantier stratégique, les autorités ont privilégié des solutions de fortune : la réhabilitation de lignes vétustes menant à l’aéroport de Ndjili et à Kasangulu.

La démonstration organisée le 7 août 2025 par le vice-premier ministre Jean-Pierre Bemba tourna au fiasco : une locomotive tombée en panne dès Matete, une machine de secours inopérante, et une délégation contrainte de regagner Kinshasa par la route. Pourtant, dans une mise en scène caractéristique de la gouvernance en trompe-l’œil, les médias officiels présentèrent ce revers comme un succès.

Pour la première fois, un impôt progressif sur le revenu et un impôt sur les sociétés devaient instaurer une véritable justice fiscale, élargir la base des contribuables et rompre avec les privilèges d’une élite prédatrice.

La réforme demeure lettre morte. Aucune mesure d’application n’a été prise. L’immobilisme des gouvernements Suminwa, révélateur d’un manque de volonté politique, a consacré l’échec d’une transformation pourtant essentielle.

Le Compte unique du Trésor (CUT) devait incarner la transparence et l’efficacité dans la gestion publique. Conçu sous Sama Lukonde, il fut suspendu à l’arrivée de Doudou Fwamba au ministère des Finances, lequel préféra retarder son application en proposant un décret sans valeur ajoutée.

Ce n’est qu’en juillet 2025 que fut installé un comité de pilotage, après deux ans de paralysie. Une réforme stratégique fut ainsi diluée, dévoyée et récupérée comme « innovation » par un gouvernement plus soucieux d’image que de substance.

La facture normalisée : du progrès annoncé au chaos administratif

Instrument central de la digitalisation fiscale, la facture normalisée devait sécuriser les recettes et réduire la fraude. Adoptée en 2023, son déploiement fut bâclé. Les choix techniques se révélèrent inadaptés, saturant le système dès son lancement, tandis que les partenaires internationaux, porteurs d’une expertise crédible, furent marginalisés. L’échéance de généralisation prévue pour juillet 2025 n’a pas été respectée. Une réforme exemplaire s’est muée en une nouvelle arlésienne administrative.

L’exécutif actuel illustre parfaitement la duplicité des pratiques budgétaires. Hier critique virulent des dépenses d’urgence, il en use aujourd’hui avec une ampleur sans précédent.

Alors que la Première ministre Suminwa promettait au FMI une réduction à 8 %, celles-ci représentaient encore 20 % des engagements en 2024, atteignant le record de 75 % pour le seul mois de mai 2025. La pratique du miss reporting s’est imposée comme norme, dissimulant des chiffres réels et sapé la crédibilité de l’État auprès de ses partenaires financiers.

Le Fonds d’investissement stratégique : l’enterrement d’une vision

Créé en 2022 comme l’embryon d’un fonds souverain inspiré des modèles botswanais ou rwandais, le Fonds d’investissement stratégique (FIS) devait garantir la souveraineté financière nationale et porter une vision transformatrice. Conçu avec l’appui de partenaires internationaux et adossé à des actifs solides, il promettait une rupture majeure.

À peine né, il fut vidé de sa substance, remplacé par une structure bureaucratique inféodée aux calculs politiques, réduite à un simple instrument budgétaire sans ambition. Une nouvelle fois, le Congo sacrifiait un outil stratégique sur l’autel de l’improvisation.

Un pouvoir prisonnier de ses illusions

De l’échec du Métrokin à l’abandon du Fonds d’investissement stratégique, en passant par la paralysie des réformes fiscales et financières, une constante se dégage : le gouvernement Suminwa a trahi l’esprit des réformes portées par le président Tshisekedi.

Plus préoccupé de communication et de mise en scène que de cohérence et de vision, il a substitué l’apparence à la substance, le recyclage au progrès, la duplicité à la transparence.

Le constat est sévère mais incontournable : en s’enfermant dans ses certitudes, en recyclant au rabais les innovations de ses prédécesseurs et en multipliant les mises en scène illusoires, l’exécutif congolais fragilise la crédibilité de l’État.

La RDC, à la croisée des chemins, doit choisir entre la consolidation des outils modernes de gouvernance et la reproduction des archaïsmes qui l’ont si souvent condamnée à l’immobilisme.

le gouvernement Suminwa a trahi l’esprit des réformes portées par le président Tshisekedi.

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité