Le malentendu de la Conférence humanitaire de Paris

Redigé par Tite Gatabazi
Le 2 novembre 2025 à 12:00

La Conférence humanitaire de Paris, présentée à Kinshasa comme une victoire diplomatique, aura finalement révélé une tout autre réalité : celle d’une confusion communicationnelle et d’un isolement politique grandissant.

Tandis que la France et ses partenaires rappelaient, avec une sobriété toute diplomatique, les limites de leur rôle dans la crise du Kivu, les autorités congolaises, elles, s’empressaient de transformer une initiative humanitaire en trophée politique. Ce décalage flagrant entre perception et réalité illustre les dérives d’une diplomatie congolaise souvent prompte à proclamer des succès imaginaires, au risque de perdre toute crédibilité sur la scène régionale.

Une interprétation hâtive et mal informée

Il aurait sans doute été plus sage de la part des responsables congolais de suivre attentivement les propos des organisateurs et participants à la Conférence de Paris, avant d’induire le public en erreur.

Le Président Emmanuel Macron, le ministre français Jean-Noël Barrot et plusieurs représentants africains ont été d’une clarté exemplaire : la question de la réouverture de l’aéroport de Goma relève exclusivement des discussions de Doha entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23.

Autrement dit, Paris ne propose rien d’autre qu’un appui technique et logistique, sans conférer aux autorités congolaises un rôle spécifique dans cette phase des négociations.

Pourtant, à Kinshasa, la communication officielle s’est empressée de travestir ce message. D’un processus diplomatique multilatéral, on a voulu faire croire à une consécration nationale. Ce réflexe d’autosatisfaction, devenu quasi systématique, traduit une méconnaissance des codes diplomatiques et une volonté obstinée d’instrumentaliser la parole étrangère à des fins de politique intérieure. Le résultat en est prévisible : une opinion publique abusée et une crédibilité internationale fragilisée.

Des partenaires régionaux lucides et mesurés

Face à cette confusion, les prises de position du ministre angolais des Affaires étrangères, Téte António, et de son homologue rwandais, Olivier Nduhungirehe, ont ramené le débat à la rigueur des faits.

Téte António, dont le pays fut longtemps médiateur dans la crise entre la RDC et le Rwanda, a tenu à rappeler que « Paris n’est pas une troisième voie diplomatique ». Ce rappel, d’apparence anodine, revêt une signification profonde : il signifie que la Conférence de Paris n’a pas vocation à remplacer les cadres de négociation, notamment ceux de Doha et Washington DC.

L’Angola, en se retirant récemment de sa médiation, avait déjà signifié son exaspération face au manque de cohérence de la position congolaise. Ce nouveau rappel traduit la volonté des diplomaties africaines de reprendre le contrôle du processus de paix, face à un partenaire congolais jugé inconstant et excessivement émotionnel.

Le ministre rwandais Olivier Nduhungirehe, quant à lui, a replacé la discussion dans le champ institutionnel. Avec la précision et la pédagogie qu’on lui connaît, il a souligné que la question de l’aéroport de Goma doit se traiter dans le cadre des pourparlers de Doha, et non dans des conférences médiatisées où les effets d’annonce supplantent la substance.

Son ton ferme mais mesuré contraste fortement avec la communication congolaise, souvent plus soucieuse d’exister médiatiquement que de négocier avec cohérence.

Une diplomatie congolaise en quête de cohérence

Ces mises au point successives, venues de partenaires à la fois africains et européens, révèlent une constante : la République démocratique du Congo peine à définir une ligne diplomatique claire, stable et lisible.

A force d’improvisations et de contre-vérités, elle s’est enfermée dans un isolement croissant, où chaque initiative extérieure est mal interprétée et chaque médiation perçue comme une trahison.

La diplomatie congolaise s’est progressivement muée en instrument de communication intérieure, davantage soucieuse de produire des slogans que d’élaborer une stratégie. Or, dans le concert des nations, la crédibilité ne s’acquiert pas par la clameur, mais par la constance, la précision et la fiabilité.

Ce que révèle la Conférence de Paris, au fond, c’est une incapacité chronique à lire les signaux diplomatiques et à comprendre les équilibres régionaux. En confondant diplomatie et communication politique, Kinshasa s’éloigne du sérieux qui inspire la confiance de ses partenaires.

Chaque déformation publique d’un message international n’affaiblit pas seulement la parole congolaise : elle creuse un peu plus le fossé entre la perception nationale et la réalité internationale.

Pour une parole de vérité et de responsabilité

La République démocratique du Congo gagnerait à réformer profondément sa communication diplomatique. L’heure n’est plus aux proclamations triomphales ni aux dénégations émotionnelles, mais à la lucidité stratégique. La diplomatie moderne repose sur la cohérence et la crédibilité ; elle exige de l’écoute avant la réplique, de la compréhension avant la réaction.

La Conférence humanitaire de Paris n’a pas trahi la RDC ; elle a simplement exposé ses fragilités. En la surinterprétant, Kinshasa a montré combien la tentation de l’illusion reste forte. Si le pays aspire à peser dans les décisions régionales, il devra apprendre à conjuguer humilité et rigueur, à lire les mots des partenaires pour ce qu’ils sont, et non pour ce qu’on voudrait qu’ils signifient.

La diplomatie congolaise n’a pas besoin de nouveaux porte-paroles ; elle a besoin de clarté, de cohérence et de vérité. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, qu’elle retrouvera le respect et la considération de ceux qui, ailleurs, préfèrent la discrétion du résultat à la vanité du discours.

La Conférence humanitaire de Paris, vantée à Kinshasa comme un succès diplomatique, a surtout mis en lumière une confusion communicationnelle et un isolement politique croissant

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité