Car, derrière les prudences oratoires et les circonvolutions diplomatiques, le constat s’impose : la Belgique se trouve aujourd’hui en position d’humilité face à un Rwanda qu’elle a, par excès de condescendance et de maladresse, durablement irrité.
Maxime Prévot, visiblement dépité, s’efforce de sauver la face en invoquant le cadre strictement multilatéral du sommet de la Francophonie. “Je ne me rends pas à Kigali dans un cadre d’échanges bilatéraux”, précise-t-il, comme pour conjurer tout malentendu. Mais la formule, sous ses airs d’apaisement, trahit un embarras : celui d’un chef de la diplomatie dont le zèle, trop ostentatoire dans son alignement sur les postures de Kinshasa, a conduit à la rupture ouverte des relations diplomatiques entre Bruxelles et Kigali, une rupture actée, rappelons-le, à l’initiative du Rwanda.
Le pays des Mille Collines, las des admonestations moralisatrices venues de l’ancien colonisateur, a choisi de tourner la page, sans regret ni équivoque. Il ne s’agissait plus seulement d’un désaccord de ton, mais d’un divorce de fond, provoqué par l’hostilité répétée d’une diplomatie belge prompte à épouser les narratifs du pouvoir congolais sur les crises régionales.
Le Rwanda, fidèle à sa doctrine de souveraineté intransigeante, a donc décidé de retirer le voile de la courtoisie pour signifier clairement son exaspération.
Dans ce contexte, le déplacement de M. Prévot à Kigali, fût-il sous l’étendard de la Francophonie, a tout d’une visite sous condition. Le ministre s’en défend, évoquant la “nécessité de maintenir les canaux ouverts” et la présence de “compatriotes et d’entreprises belges au Rwanda”.
Argument de convenance, tant il est évident que ce voyage n’aura aucune portée bilatérale. Le Rwanda, par principe et par fermeté, a suspendu toute forme de coopération avec Bruxelles. La fracture n’est pas circonstancielle : elle est politique, historique et morale.
L’erreur stratégique de la Belgique aura été de sous-estimer la détermination d’un État qui, depuis trois décennies, ne tolère ni le paternalisme, ni l’ingérence. En soutenant sans nuance les positions congolaises dans la crise sécuritaire des Grands Lacs, Bruxelles a rompu un équilibre fragile : celui qui permettait à la Belgique de demeurer un interlocuteur respecté dans la région. Désormais, sa parole sonne creux, et ses gestes diplomatiques apparaissent comme des contorsions pour retrouver une place perdue.
Ce “voyage de la Francophonie” sonne donc comme un aveu d’échec : le ministre s’y rend non pour dialoguer, mais pour exister dans une enceinte où son pays n’est plus perçu que comme une puissance nostalgique, prisonnière d’un passé colonial qu’elle ne parvient ni à assumer, ni à dépasser.
A Kigali, la Belgique ne sera pas reçue comme un partenaire, mais comme un invité toléré, sous le sceau de la bienséance multilatérale.
Le mal, disons-le, est profond. Il réside dans l’incapacité de la diplomatie belge à réinventer une relation débarrassée de ses réflexes tutélaires et de ses postures moralisantes.
Maxime Prévot hérite d’un passif lourd, mais il y ajoute sa propre faute : celle d’avoir confondu solidarité congolaise et lucidité régionale, compassion politique et alignement aveugle.
S’en aller à Canossa, c’est reconnaître implicitement son erreur. Encore faut-il le faire avec la dignité du repentir, et non avec la morgue du déni. Car dans le jeu subtil des relations internationales, le Rwanda n’oublie jamais, et n’accorde le pardon qu’à ceux qui savent le mériter.
Pour la Belgique, l’heure n’est plus aux mots, mais à une profonde introspection : comprendre que le temps des injonctions est révolu, et que le respect mutuel se gagne désormais à la hauteur des actes, non des discours.














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