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Quand les mots tuent : les dangers des discours de haine en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 25 novembre 2024 à 02:06

L’escalade de la violence dans la région des Grands Lacs, et en particulier en République démocratique du Congo (RDC), suscite une inquiétude croissante parmi les observateurs internationaux.

La Conseillère spéciale des Nations Unies pour la prévention du génocide, Alice Wairimu Nderitu, a récemment tiré la sonnette d’alarme sur des conditions qui rappellent dangereusement les prémices du génocide contre les tutsi de 1994 au Rwanda.

En cause : des discours de haine, des tensions identitaires exacerbées, et des attaques systématiques contre certaines communautés, notamment les tutsi congolais.

Ces faits interpellent non seulement la communauté internationale, mais également les mécanismes juridiques existants pour prévenir les atrocités de masse. Plus encore, ils posent une question fondamentale : jusqu’où peut aller l’impunité des figures d’autorité lorsqu’elles alimentent, directement ou indirectement, ces actes de violence ?

Le Ministre congolais de la justice, Constant Mutamba, mieux que quiconque, sait que les discours de haine, l’incitation publique et directe au meurtre comme il l’a fait à la prison de Munzenze de Goma ne sont pas de simples propos maladroits ou polémiques. Ce sont des armes puissantes, capables de fracturer une société et de précipiter des conflits sanglants.

L’histoire récente, notamment le génocide contre les tutsi au Rwanda en 1994, illustre leur rôle central dans la perpétration de crimes de masse.

En droit international, l’incitation publique et directe à commettre des crimes tels que le génocide est fermement réprimée. L’article III(c) de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) en fait une infraction punissable.

Des précédents jurisprudentiels, comme ceux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), ont établi que les auteurs de discours incitatifs peuvent être poursuivis en tant que complices d’actes génocidaires.

Aujourd’hui, en RDC, la diffusion de discours de haine ciblant des groupes ethniques spécifiques, comme les tutsi congolais, constitue une violation flagrante de ces principes.

Ces propos, souvent relayés par des personnalités publiques, créent un climat propice à la violence systématique. Plus inquiétant encore, ils reflètent une politisation de l’identité, où l’appartenance ethnique est utilisée comme outil de division.

La responsabilité des dirigeants : une obligation légale et morale

Lorsqu’un ministre ou une autre figure d’autorité se livre à des actes tels que l’incitation publique au meurtre, l’appel à la délation ou la dénonciation calomnieuse, ainsi que l’a fait le ministre de la justice Constant Mutamba, leur responsabilité dépasse celle des simples citoyens. Leur position amplifie l’impact de leurs paroles, ce qui les rend d’autant plus responsables des conséquences.

Le droit international pénal, notamment à travers le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), engage la responsabilité pénale individuelle des dirigeants pour des crimes tels que les persécutions ethniques ou les crimes contre l’humanité.

De même, les principes de Nuremberg ont établi que le rang ou l’autorité d’un individu ne le protège pas contre des poursuites judiciaires.

En RDC, la communauté internationale doit agir pour rappeler au gouvernement ses obligations légales. Le principe de la responsabilité de protéger (R2P), adopté lors du Sommet mondial de 2005, engage les États à prévenir les génocides et autres crimes de masse. Lorsque les États échouent dans cette mission, la communauté internationale a le devoir d’intervenir.

Prévenir les atrocités de demain : le rôle des institutions et de la justice

La prévention des crimes de masse passe par des institutions fortes, capables d’identifier et de contrer les discours de haine avant qu’ils ne débouchent sur des violences. En RDC, cela nécessite : la création de mécanismes indépendants pour surveiller les médias et sanctionner les discours incitant à la violence.

Le renforcement de la justice nationale pour poursuivre et juger les responsables de discours haineux.

Une collaboration étroite avec les organisations internationales pour bénéficier d’une expertise et d’un soutien technique.

Cependant, ces mesures institutionnelles doivent s’accompagner d’un véritable changement culturel. La société congolaise doit rejeter les récits qui divisent et embrasser des valeurs d’inclusion et de tolérance.

Un appel à l’action : ne pas attendre l’irréparable

La RDC se trouve à un carrefour dangereux. Les signes avant-coureurs d’atrocités de masse sont présents, et les discours de haine continuent de se propager sans conséquences pour leurs auteurs. Le député national de la majorité présidentielle, Justin Bitakwira est sous sanctions de l’union européenne pour « avoir de manière répétée, incité a la violence et encouragé la discrimination et l’hostilité a l’égard de la communauté banyamulenge, ciblée et attaquée par les groupes armés ».

Le gouvernement congolais continu de mettre des fonds à sa disposition pour poursuivre cette mission macabre. Le comble ce qu’il n’est pas seul dans cette entreprise.

Si la communauté internationale ne prend pas des mesures fermes pour exiger des réformes et poursuivre les responsables, le spectre d’un nouveau génocide pourrait devenir une réalité.

Il est impératif que les dirigeants, à commencer par le sommet de l’Etat congolais, se conforment aux obligations du droit international. Les discours de haine doivent être traités non pas comme une simple dérive, mais comme une menace directe à la paix et à la stabilité.

La justice internationale a montré qu’elle pouvait agir, comme en témoigne le TPIR et la CPI.

La RDC et ses partenaires doivent s’inspirer de ces précédents pour faire face aux défis actuels. Car en matière de prévention des atrocités, l’inaction est synonyme de complicité.

Constant Mutamba, ministre congolais de la justice

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