De Buenos Aires à Rome ou l’église catholique en mutation

Redigé par Tite Gatabazi
Le 22 avril 2025 à 11:45

L’histoire pluriséculaire de l’Église catholique romaine est marquée, depuis ses origines, par des équilibres géopolitiques subtils et des pesanteurs traditionnelles que peu d’événements auront su réellement troubler.

Pourtant, à l’orée du prochain conclave, ces antiques configurations semblent vaciller sous le poids de mutations irréversibles et d’une mondialisation ecclésiale que nul ne saurait désormais ignorer.

Pour la première fois dans les annales de la papauté, le Collège des cardinaux électeurs, ces princes de l’Église appelés à choisir le successeur de Pierre, ne sera plus dominé par l’Europe. Bien que demeurant le continent le plus représenté, avec 53 cardinaux en âge de voter (dont 17 Italiens et 5 Français), l’Europe ne concentrera plus que 39,2 % des voix potentielles, contre 52 % en 2013 lors de l’élection du pape François. Ce simple basculement statistique constitue, en réalité, un séisme silencieux dans l’histoire ecclésiastique.

Il est d’autant plus significatif qu’il survient sous le pontificat du pape François, premier souverain pontife issu du continent américain, argentin de naissance et jésuite de formation, dont l’élection même, en mars 2013, fut un précédent historique fracassant.

Le choix des cardinaux électeurs d’alors avait déjà consacré une rupture symbolique avec la tradition eurocentrée de l’Église. Voilà que, douze ans plus tard, cette dynamique s’intensifie et s’inscrit dans la structure même du Collège cardinalice.

Sur les 135 cardinaux électeurs appelés à entrer en conclave le moment venu, 108 auront été créés par le pape François lui-même, 22 par Benoît XVI et seulement 5 par saint Jean-Paul II. Cette recomposition radicale du collège électoral reflète la volonté affichée de François de rompre avec certains tropismes anciens et de conférer au catholicisme une expression plus authentiquement universelle.

Le nouveau visage du Sacré Collège traduit ainsi une redistribution géographique inédite : 21 % des électeurs proviendront d’Amérique latine, 19 % de la région Asie-Pacifique et 11,8 % de l’Afrique subsaharienne. L’Europe, longtemps hégémonique, devient un pôle parmi d’autres dans cette assemblée où se joue l’avenir spirituel et pastoral de l’Église universelle.

Il serait naïf de réduire ces chiffres à de simples données démographiques. Ils révèlent un changement paradigmatique profond, un déplacement du centre de gravité ecclésial, qui accompagne le déclin relatif des chrétientés occidentales et la vitalité croissante des Églises des périphéries, si chères à François. L’Église de demain, à laquelle se destinera le prochain pontife, sera nécessairement polycentrique, métissée de cultures et enracinée dans des contextes géopolitiques et spirituels jusque-là négligés.

Ainsi, deux faits majeurs, l’élection en 2013 du premier pape latino-américain et à l’orée de la prochaine élection pontificale, la perte de la majorité européenne au sein du conclave, viennent bouleverser des siècles de tradition et dessiner les contours d’une catholicité résolument planétaire.

C’est là un signe des temps qu’il conviendra de scruter avec la plus grande acuité théologique et politique, car il ne s’agit plus seulement de diversifier l’origine des électeurs, mais de repenser la gouvernance et la parole de l’Église à l’aune d’un monde devenu définitivement pluriel.

Depuis ses origines, l’histoire de l’Église catholique romaine est marquée par des équilibres géopolitiques et des traditions rarement bouleversés

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