La Belgique à l’épreuve de la justice universelle

Redigé par Tite Gatabazi
Le 22 avril 2025 à 01:36

Il est des procès qui, au-delà de l’arène judiciaire, résonnent comme de véritables diagnostics moraux et politiques d’une époque.

L’affaire opposant Madame Gisèle Nebale Busima à trois figures de l’appareil politico-sécuritaire congolais, en tête desquelles le très zélé Patrick Muyaya Katembwe, ministre de la Communication et des Médias ; le Général Christian Okura Ndaywel ; et le Colonel Ralph Muzimba en constitue l’illustration éclatante et tragique.

Deux procédures distinctes, l’une engagée devant les juridictions belges et l’autre portée devant la justice américaine, viennent rappeler avec une éloquence implacable cette vérité politique aussi ancienne que les sociétés humaines elles-mêmes : lorsqu’un pouvoir s’affranchit de toute limite, lorsqu’il se dérobe à la contrainte des lois et au contrôle du droit, il enfante fatalement ses propres monstres, des figures grimaçantes et prédatrices qui, sous le couvert des insignes de l’État, commettent l’inqualifiable en toute impunité.

Ces actions judiciaires transnationales traduisent ainsi la montée d’une conscience universelle refusant désormais que l’abîme de la violence étatique demeure confiné aux marges de l’attention internationale.

Les faits ici reprochés, d’une gravité insondable et d’une violence politique caractérisée, se déclinent en accusations d’enlèvement, de détention arbitraire et de séquestration. Ces actes, qui relèvent de l’abjection institutionnalisée, révèlent une pratique de la gouvernance où la coercition illégitime, le mépris du droit et la brutalité administrative se substituent au dialogue et au respect des libertés fondamentales.

En d’autres contextes, de tels forfaits auraient conduit à la démission immédiate des auteurs présumés et à leur traduction devant les juridictions compétentes. Mais dans ce théâtre tragique qu’est encore, hélas, la République Démocratique du Congo, ces prédateurs du pouvoir prospèrent à l’ombre d’une impunité savamment entretenue.

Sous d’autres latitudes, de tels actes relèveraient d’un contentieux ordinaire de justice pénale ; en République Démocratique du Congo, ils demeurent les instruments familiers d’un régime sclérosé, enivré par l’ivresse du pouvoir et l’assurance d’une impunité coutumière.

Il convient dès lors de saluer la ténacité des avocats de la plaignante, Maîtres René St Fort et Bernard Maingain, qui rappellent à juste titre que ces exactions violent de manière flagrante les articles 16 et 18 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, garantissant le respect de la personne humaine et l’inviolabilité de la liberté individuelle.

Mais cette affaire dépasse le strict cadre des droits de la victime. Elle constitue un révélateur, un miroir tendu à la communauté internationale et, singulièrement, à la Belgique, ancien colonisateur et partenaire diplomatique historique de Kinshasa. La question est simple, et pourtant redoutable : la Belgique, qui se targue de défendre les droits de l’homme sur toutes les tribunes, aura-t-elle le courage d’appliquer la justice universelle sans céder à la tentation de l’indignation sélective et des arrangements de coulisse ?

Ce procès, hautement sensible sur le plan diplomatique, mettra à nu l’écart béant entre les discours de principes et la réelle volonté politique de protéger les victimes des abus de pouvoir, fussent-elles originaires de pays tenus à distance du cénacle occidental. Ce sera aussi, pour Bruxelles, l’occasion de prouver que la solidarité humaine ne saurait s’arrêter aux portes des intérêts géopolitiques.

On rappellera, à ce titre, que la justice belge a, par le passé, initié des poursuites contre des dignitaires étrangers pour des faits relevant du même registre de barbarie. À l’évidence, le dossier Nebale Busima pourrait venir s’inscrire dans cette lignée et revêtir la fonction d’un précédent symbolique et opératoire.

La question demeure : la justice aura-t-elle les coudées franches ou se heurtera-t-elle, comme tant d’autres avant elle, aux calculs d’appareil et aux prudences diplomatiques feutrées ?

Dans ce procès d’honneur, la Belgique joue sa cohérence morale. Le Congo, quant à lui, y dévoile l’anatomie d’un pouvoir prédateur et l’agonie d’une République toujours captive de ses vieux démons.

Patrick Muyaya Katembwe, ministre de la Communication et des Médias de la RDC

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